Le temps ! Est-ce la fin de l’époque senghorienne, le début d’une nouvelle ère ? La vie est un cycle de naissances et de morts. La mort, tout comme la rupture, n’est jamais véritablement définitive ; elles portent en elles la mémoire du passé. Évoquer des ruptures, des fins de système en ce moment même, est une forme d’utopie active. Nous en avons besoin pour reprendre notre destin en main, car certains, fatalistes, pensent que nos destins sont déjà scellés et que nous devons subir. Ce qui se passe actuellement n’est pas une simple question de générations ; jeunes et vieux s’unissent dans cette lutte. Ce n’est pas non plus une lutte de classe. Il ne s’agit pas non plus de rejeter tout ce qui a été construit par ceux qui étaient là avant nous. Le temps est venu, celui de nous regarder dans le miroir afin de déconstruire les obstacles qui entravent notre plein épanouissement, en libérant la meilleure part de nous-mêmes. Nous sommes des héritiers. Le fils a la chance d’être son père. Le père ne sera jamais le fils.
En 1962, Dia a été mal compris par le peuple de son époque. En 2024, nous sommes le même peuple avec l’effet du temps. Le défi pour nous est de faire bien, mais aussi de léguer aux générations futures les rêves impossibles pour nous maintenant, mais qui seront possibles pour eux, car ils seront nous en plus d’être eux-mêmes. C’est le temps. Pas le temps d’un mandat, ni celui d’une vie. C’est le temps nécessaire pour que toute graine de rêve semée dans la vie puisse mûrir. C’est dans l’Ordre des choses, et les deux derniers mois nous l’ont prouvé comme si les étoiles se sont alignées.
Pour un Sénégal souverain, juste et prospère
Au cours de ma lecture, j’ai rencontré des esprits brillants et engagés qui ont pris le temps de conjuguer leurs intelligences pour proposer des solutions concrètes aux problèmes du pays. Je me suis retrouvée dans beaucoup de ces propositions. Ensemble, ils ont élaboré LE projet qui a ravivé l’espoir chez les Sénégalais. Ils ont réfléchi et conçu ce projet ensemble, unissant le « Nous », un fait rare ces dernières années dans notre pays. Ce projet est devenu le nôtre. Il ne s’agit pas d’une de ces stratégies conçues par de « grands cabinets internationaux » pour tout le monde, sauf pour les Sénégalais, qui nous vendent le rêve d’un Sénégal qui deviendrait développé ou émergent. Ici, c’est un projet pour les Sénégalais et par les Sénégalais, qui ne cherche pas à transformer notre cher Sénégal en Dubaï ou en Corée. Il vise simplement à permettre au Sénégal et à ses citoyens d’exprimer pleinement toutes leurs potentialités devant le monde. Il fait la promesse aux sénégalais de pouvoir se rendre fièrement au rendez vous du donner et du recevoir. Les urnes se sont exprimées. Avec près de 55% des voix dès le premier tour, les Sénégalais ont clairement approuvé le projet et ont voté en faveur d’un Sénégal souverain, juste et prospère.
Le 2 avril a marqué la naissance d’un nouveau Sénégal. C’est une renaissance pour notre nation et pour chaque citoyen. Nous avons ressenti ce vent de renouveau, il nous a donné des frissons. Je rends grâce à Dieu d’avoir pu les ressentir. Malheureusement, tout le monde n’a pas eu cette chance. Je suis reconnaissante d’avoir partagé les mêmes émotions que bon nombre de mes compatriotes ces derniers jours. Ce nouveau départ sera difficile, car nous héritons d’un État au bord du gouffre où tout doit être reconstruit. Tout est à refaire. Le projet est ambitieux, les délais sont serrés, et sa faisabilité est remise en question, ce qui est tout à fait normal. Mais une fois de plus, ceux qui y croient sont en majorité, et leurs énergies positives entraîneront les autres. Les accomplissements du peuple au cours des deux derniers mois montrent que l’impossible n’est pas sénégalais, comme le disent mes amis ivoiriens et camerounais.
Conservatisme, populisme, fascisme, blabla
Une machine à fabriquer des discours méprisants envers le notre projet est en marche, le qualifiant de fasciste, conservateur, populiste. Cette campagne est alimentée par certains médias, intellectuels sénégalais, et autres…Nous avons vu ces derniers jours une campagne puissante d’un discours anti-« étrangers » vivant au Sénégal, associant les porteurs de ce discours au nouveau régime. Cela n’est pas surprenant. Cependant, la manipulation ne fonctionnera pas, car le peuple est déterminé à briser les chaînes qui l’entravent. Traiter un peuple qui lutte pour sa liberté de conservateur est tout simplement méprisant. Les conservateurs préservent des privilèges, et je doute que le peuple sénégalais en ait bénéficié depuis 1960. Au contraire, une organisation mondiale semble s’efforcer de maintenir le pays dans la pauvreté. Ce discours indécent ferme les yeux sur les inégalités et les violences d’État sous prétexte de préserver d’une ouverture à préserver. Les bases de l’ouverture sont déjà posées, et elles ont été l’une des grandes forces nécessaires pour embrasser ce combat.
Parmi les artisans du projet, on trouve des hommes et des femmes vivant aux quatre coins du monde, attachés à leur Sénégal. Il sont des citoyens du monde: ils sont français, américains, russes, car ils contribuent non seulement à faire briller ces nations, mais surtout parce que l’histoire de leur pays et de leur famille est liée indéniablement à ces nations . Ils ont tout de même compris qu’il fallait briser les chaînes qui maintiennent leur tendre Sénégal dans la dépendance et la pauvreté. Ils ont investi toute leur énergie dans ce combat. Ceux qui se battent pour ce nouveau Sénégal le font pour l’humanité entière, car c’est un combat pour la justice. Ils assument pleinement leur héritage, celui de Senghor, de Wade, de Dia, de Cheikh Anta, sans complexe, car ils ont compris le sens de Sonko moy Diomaye. Ils ont également compris que France moy Sénégal ne peut devenir réalité que si les liens qui unissent sont fondés sur des valeurs humaines solides, comme celles ont permis le phénomène extraordinaire que d’autres ne comprennent pas : Sonko moy Diomaye.
Une intelligence pastefienne au service de la nation
Le projet d’un Sénégal souverain, juste et prospère est arrivé à point nommé. Il répond aux aspirations citoyennes du moment. Le peuple est prêt ; il ne se contentera pas d’observer, il réclame son droit d’être un acteur à part entière de la République. Et il est indéniable que l’intelligence pastefienne qui a conduit à l’élection du nouveau Président, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, saura mener à bien ce projet. Cette intelligence pastefienne a démontré de grandes valeurs : l’humilité, le sens du commun, le dialogue, l’ouverture, la générosité, la créativité et surtout, la détermination. Elle a su mobiliser les énergies positives de tous les territoires, tant ici que dans la diaspora, pour la refonte de notre République dans l’intérêt du peuple. L’acte « Diomaye mooy Sonko », le balai transformé en symbole de renouveau ont été de belles expressions de cette intelligence pastefienne.
Une nouvelle ère pour notre citoyenneté
Je constate que la demande citoyenne exprimée est immense. C’est une excellente nouvelle. Son désir de changement est si grand. En effet, ces dernières semaines, les citoyens ont manifesté un désir ardent de participer activement à la destinée de notre pays. Je pense à tous les Sénégalais, d’ici et d’ailleurs, qui ont travaillé d’arrache-pied pour éviter le pire à notre nation. Je pense aux jeunes de Senegalvote et à WINEOS, qui ont mis gratuitement à disposition des candidats et de la société civile une application de compilation des résultats des élections. Je pense également à la team IT TL221, qui aspire à apporter sa contribution en développant des programmes informatiques bénévolement pour soutenir l’État.
Je pense aux Sénégalais et aux amis du Sénégal qui soulagent de nombreux concitoyens dans leur quotidien grâce à leur engagement associatif et bénévole. Je pense à tous ces petits commerçants de quartier, aux vendeuses de légumes, qui aident des familles à joindre les deux bouts à la fin du mois. Je pense aussi à tous ces artistes qui, par leur création, relient les citoyens à leur patrimoine culturel, matériel et immatériel. Il est temps que toutes ces contributions soient reconnues à leur juste valeur. Elles constituent une économie qui permet à notre pays de tenir bon malgré les adversités subies. Il est temps que les monnaies qui seront créées prennent en compte à la fois l’économie productive et l’économie contributive.
Quelle(s) monnaie(s) pour quelle(s) économie(s)?
Les activités productives sont essentielles pour permettre aux individus de vivre dans la dignité, en assurant leurs besoins primaires, tels que décrits dans la pyramide de Maslow. En revanche, les activités contributives visent le bien commun, que ce soit au niveau familial, dans le domaine des connaissances et de l’innovation, de la culture, de la démocratie ou de la spiritualité. Il est donc crucial de reconnaître l’importance de ces activités contributives, afin de ne plus sous-estimer le rôle des femmes au foyer, dont la contribution est inestimable dans le modèle économique actuel. L’économie du Sénégal de demain devrait être en mesure de valoriser cette contribution conformément à nos valeurs culturelles, religieuses, républicaines, etc
Il est impératif d’évoluer vers des modèles qui reconnaissent et valorisent les engagements bénévoles, afin d’éviter frustrations et divisions, ainsi que l’affaiblissement du lien entre citoyens et État. La crise du coronavirus en 2020 nous rappelle l’importance de réinventer notre logique économique. Ainsi, toutes les activités, qu’elles soient productives ou contributives, doivent être reconnues à leur juste valeur.
Le défi pour nos économistes ne réside pas uniquement dans la sortie du FRANC CFA, car ce débat semble désormais dépassé et le chantier est lancé. Il s’agit plutôt de déterminer quels indicateurs seront mis en place pour mesurer les progrès économiques tout en tenant compte des principes de souveraineté, de justice et de prospérité. Comment réinventer une monnaie qui reflète nos liens sociaux ? Comment valoriser le capital de confiance ? Faut-il opter pour une cryptomonnaie ou une monnaie traditionnelle?
La crise de 2020 nous pousse inévitablement à repenser notre économie à l’ère du digital, de la crise environnementale. Il est primordial de réfléchir à la manière de remodeler Internet à notre image, en prenant en compte nos véritables besoins, en faisant face aux excès qu’entraine Internet, ainsi qu’en considérant les enjeux géopolitiques, les nouvelles formes de travail, l’urbanisation, et bien d’autres aspects. Le défi est immense.
Un État efficace et un service public de qualité grâce au numérique
Pour mener à bien notre projet, le digital demeure un allié essentiel. Il doit garantir la transversalité afin d’assurer l’efficacité de l’État et surtout de reconstruire le lien entre l’État et la société, un lien qui a beaucoup souffert ces dernières années. C’est pourquoi je salue l’initiative du Président de « d’investir massivement dans la digitalisation des services et des procédures administratives ». Le numérique est au coeur du projet et c’est rassurant.
Il est important de rappeler que depuis l’avènement d’Internet au Sénégal, le développement du numérique a souvent été confiné à des ministères spécifiques, tels que le ministère du numérique, des communications ou de l’économie numérique…. Cependant, le digital est bien plus qu’une simple technologie ; c’est une manière de penser. Il ne s’agit pas simplement de digitaliser des processus un par un, mais plutôt de comprendre les problèmes dans leur globalité et leur complexité. Les opportunités offertes par le numérique nous permettent d’éviter de fragmenter les problématiques ; c’est pourquoi il est naturellement transversal. Le numérique est un outil précieux pour rendre les systèmes plus efficaces en proposant des solutions facilitatrices.
Il est crucial de ne pas répéter les erreurs du passé, notamment celle de digitaliser les services et les procédures de manière isolée. Cette approche s’avère énergivore, inefficace à long terme et limitée dans son impact, car elle risque de créer des problèmes d’interopérabilité avec d’autres systèmes à l’avenir, nous obligeant ainsi à recommencer à zéro. De même, confier le domaine du digital à un ministère cloisonné qui ne comprend pas les enjeux et les besoins des autres secteurs est une erreur. Pour moderniser l’administration, il est nécessaire de la réinventer avec le digital, en revisitant tous les processus et procédures de l’État afin d’identifier et de supprimer les éventuels maillons superflus grâce à une approche informatique intégrée.
« Je suis Estonien, et l’administration de mon pays n’a pas le droit de me demander la même information deux fois ; si c’est le cas, je peux la poursuivre. »
Cet exemple concret met en lumière la qualité remarquable du service public en Estonie, un pays devenu un leader mondial dans le domaine du numérique. Pour comprendre pleinement l’importance de ses choix politiques tournés vers le numérique, il est essentiel de se replonger dans le contexte de l’indépendance de l’Estonie vis-à-vis de l’URSS en 1991. À cette époque, l’un des défis majeurs était d’assurer une présence administrative sur l’ensemble du territoire national, qui s’étend sur 45 000 kilomètres carrés, incluant 45% de forêts et 2200 îles, avec une densité démographique de 36% en 1991, réduite à 32% aujourd’hui.
Grâce à une utilisation stratégique d’Internet, l’administration estonienne a réussi à rapprocher les services publics des citoyens, sans avoir besoin de déployer des ressources considérables dans chaque région. Cette approche a permis de mutualiser les ressources à travers tout le pays en un laps de temps record. L’Estonie illustre ainsi une combinaison de réflexion pragmatique et de vision à long terme, devenant ainsi un précurseur dans le domaine de la cybersécurité.
Presque toutes les démarches peuvent désormais être effectuées à distance en Estonie, à l’exception notable du mariage et de l’achat d’une maison, non pas parce que cela est techniquement impossible, mais parce qu’il s’agit d’actes symboliques dans la vie de chaque individu.
En numérisant 99% de ses services publics grâce au réseau X-Road,, l’Estonie économise chaque année plus de 2,8 millions d’heures de travail. X-Road est gérée de manière hautement démocratique, ce qui explique son succès. Cet exemple démontre qu’il est possible d’avoir un État efficace, mais cela nécessite une refonte de l’administration sénégalaise. Pour y parvenir, les ingénieurs méthodes doivent analyser minutieusement les procédures de bout en bout avant de procéder à une digitalisation utile et efficace. Il est tout aussi essentiel de focaliser nos efforts sur les services publics prioritaires nécessitant une transformation, en impliquant activement les citoyens dans ce processus. En effet, les citoyens sont les véritables clients et ceux qui subissent depuis des années l’absence ou le déclin des services publics.
Quelle stratégie numérique sénégalaise pour les années à venir?
Sur la base d’une volonté souverainiste, il est impératif de revoir les stratégies dans le domaine numérique. Il est à rappeler que les stratégies sur les données et l’IA du Sénégal élaborées en 2023, bien qu’elles aient bénéficié d’une « large consultation », ont été élaborées avec l’assistance d’organismes étrangers. Un aspect crucial qui souligne la nécessité de corriger cette stratégie est l’absence d’acteurs tels que l’armée et la gendarmerie nationales dans la liste des parties prenantes. Une stratégie en matière d’IA et de données pour un pays sérieux et souverain ne saurait être élaborée sans que nos forces de défense et de sécurité soient au cœur. Il n’est pas surprenant que le terme « souveraineté » ait été absent de la première version, et qu’il ait fallu que le ministre de l’époque demande son ajout. La souveraineté ne doit pas être considérée comme un simple mot, mais comme une position stratégique qui nécessite une réflexion approfondie.
Pour les prochaines années, il est crucial que la stratégie numérique du Sénégal soit menée avec une approche stratégique, fondée sur une méthode prospective pour analyser les grandes tendances du numérique, en mettant l’accent sur une vision d’un Internet souverain, juste, et propice au développement de nos économies. Une stratégie à construire avec toutes les parties prenantes pour non seulement le développement de l’économie numérique mais aussi une refonte de notre administration. Il faudra penser à mettre en place une infrastructure numérique, efficace et sécurisée en mode organique. En effet, en numérique la notion de gouvernance, passe du mode hiérarchique au mode organique encourageant ainsi le membership: quand les orientations et les moyens sont donnés, les solutions pourront venir du bas vers le haut. Les solutions devront respecter les exigences de la plateforme principale pour permettre une interopérabilité des solutions. C’est la magie du numérique.
La pédagogie pour relever le défi du facteur humain
Le principal défi pour atteindre les objectifs fixés réside dans l’adhésion au Projet. Cela signifie que le facteur humain sera crucial dans les semaines, mois et années à venir. Les concitoyens qui ont manifesté dans les rues pour réclamer des changements, ainsi que ceux qui ont participé au nettoyage des rues du pays ces derniers jours, symbolisent une adhésion totale au projet. Leur énergie positive est précieuse, qu’elle émane des jeunes, des enfants ou de nos aînés, dont la sagesse éclaire notre chemin. La sagesse de nos anciens est inestimable. Je parle de la sagesse et non des simples expériences. Car certaines expériences nous ont menés au fond du gouffre et ont exacerbé les inégalités dans notre nation. Elles ont cru que la seule manière de faire était de faire telles que les autres le pensent sans oser se poser une question simple: « Pourquoi pas? ». D’autres ont tiré des enseignements de leurs expériences et reconnaissent les impasses. Nous aurons besoin d’eux pour relever ce défi. Le « jeunisme » ne doit pas être notre crédo. Il est essentiel que le projet soit entouré de personnes sages qui alerteront pour éviter les obstacles. Leur sagesse, combinée à la créativité de notre jeunesse, constitueront les bases solides pour la bonne exécution du projet.
La mise en place de programmes de sensibilisation et d’éducation au projet est essentielle pour mener à bien les transformations nécessaires. Il est impératif de créer des espaces physiques où chaque individu peut contribuer à l’édification du projet. Les territoires, représentés par leurs élus, doivent également être impliqués. Ils pourraient faciliter la création de tiers-lieux du changement, où élus et citoyens pourraient collaborer pour mettre en œuvre les changements au niveau local.
La lutte pour la souveraineté, la justice et la dignité sera remportée grâce à la libération rapide des espaces de création. Cependant, le facteur humain demeure le défi le plus crucial à relever dans notre projet. Il est essentiel que notre nation dispose non seulement des infrastructures et des financements nécessaires, mais surtout chacun d’entre nous doit comprendre l’importance de notre contribution et s’investir pleinement dans sa réalisation. Les résultats du vote représentent un précieux signe de confiance du peuple envers le projet. Tout républicain devrait être prêt à se tenir du côté du citoyen, que ce soit en travaillant au sein des institutions pour promouvoir les intérêts du peuple ou en soutenant les citoyens dans l’expression de leurs préoccupations de manière constructive. Ces résultats soulignent également l’importance de la restructuration du paysage politique et de l’organisation des partis politiques.
En outre, la pédagogie doit s’étendre aux partenaires de coopération. Il est important de mettre en place un cadre plus directif sur les fonds qu’ils allouent, en les orientant vers les priorités d’État plutôt que selon leurs propres critères. Par exemple, l’Ambassade de France a choisi de lancer un nouveau programme de plus d’un million d’euros pour soutenir la stratégie nationale d’intelligence artificielle du Sénégal, dans un contexte d’installation d’une gouvernance de rupture. Il aurait été plus éthique que l’ambassade de France se concerte d’abord avec le nouveau régime pour voir si la stratégie convient et aussi quelle démarche adopter. Peut être le régime en place aurait choisi que ce fonds soit alloué à des bourses de formation pour des agents de l’état ou pour des jeunes.
Avons nous conscience de l’engagement nécessaire pour atteindre nos objectifs communs ? Qu’avons-nous à apporter pour que le projet profite à tous nos concitoyens et à notre nation dans son ensemble ? Nous sommes tous des pièces du puzzle, et c’est en nous rassemblant que nous pourrons construire un avenir meilleur pour les générations futures. Le défi actuel est de devenir des citoyens engagés, déterminés à façonner un Sénégal qui répond à nos aspirations communes et à léguer un héritage positif aux générations à venir.
Pour que nous soyons prêts à consentir aux sacrifices nécessaires, il est impératif que la pédagogie soit au cœur des transformations à venir au cours des prochaines semaines, mois et années à venir.
Le modèle extraverti auquel nous avons persisté, avec une école non décolonisée, nous a éloignés ou fait oublier notre profond attachement à la terre et au respect qui lui est dû. Avoir un Président toujours attaché à sa terre natale me rassure quant aux exigences que son gouvernement aura non seulement pour mener des politiques respectueuses de la nature, mais surtout pour plus de justice pour les nations qui ne sont pas responsables de la pollution de la terre et qui en sont victimes. La question de la protection de la nature doit traverser tous les secteurs, tout comme le digital. Notre urbanisation, ou plutôt la « dakarisation », a fait beaucoup de mal et Dakar se retrouve en agonie. Il est impératif que nos ambassades soient proactives sur les mesures environnementales de leurs pays hôtes, pouvant impacter négativement l’Afrique et particulièrement le Sénégal: leur mission de veille de nos ambassades doit être prise au sérieux.
Par exemple, avec la politique européenne visant à mettre fin à la vente des véhicules à moteur thermique dans l’Union européenne d’ici 2035, la tendance est de transférer ces voitures en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest. Comment anticiper pour éviter que l’arrivée massive de voitures européennes n’envahisse pas les routes de Dakar et ne transforme nos rues en parkings géants, empêchant ainsi nos enfants de jouer en toute sécurité et les piétons de circuler librement sur des trottoirs occupés en permanence par des voitures ?
Une politique sociale et environnementale solide est nécessaire. Si l’économie devient « circulaire » comme proposé dans le projet, les entreprises ne sont pas circulaires en elles-mêmes. Il est essentiel de gérer cette circularité. Il faudra une gouvernance nouvelle qui puisse coordonner continuellement les acteurs afin qu’ils puissent évoluer au gré des progrès techniques et des usages, tout en se maintenant dans le circuit.
En somme, le vaste chantier des cinq prochaines années consiste à mettre en place un système de gouvernance qui libère tous les espaces et qui offre un tableau de bord clair des défis à relever, avec des indicateurs clés. Cela permettra ainsi à tous les citoyens de devenir les artisans de leur vivre-ensemble, à l’image des sociétés démocratiques, souveraines, justes et prospères dont nous sommes les héritiers. Pour une mise en oeuvre efficace, il faudra défricher le terrain et adopter une stratégie organique afin de permettre à toute la nation de participer au balai national dans une économie efficace des contributions.