La vision du Président Macky Sall en matière d’intelligence artificielle s’arrête-t-elle à Diamniadio ? Par Fodyé Cissé, sous-commissaire chargé du numérique – Moncap Diaspora

Le 1er Novembre 2023, le président Macky Sall a publié un tweet pour féliciter le Dr Seydina Moussa Ndiaye suite à sa nomination au sein du premier organe consultatif sur l’IA des Nations Unies, exprimant sa fierté pour la reconnaissance d’un talent sénégalais dans ce secteur en plein essor des technologies émergentes.

Cet hommage rendu par le président Macky Sall à l’excellence sénégalaise dans le secteur des technologies avancées telles que l’Intelligence Artificielle (IA) nous interpelle et nous invite à nous interroger sur les actions menées par son gouvernement en faveur de l’intégration de l’IA dans les stratégies de développement nationales au cours de ses douze années au pouvoir.

Le Président Macky Sall n’est pas sans savoir que le monde avance à grands pas dans la révolution numérique et que l’IA est au cœur de cette métamorphose. Pourtant, nous peinons à identifier des actions concrètes initiées par son gouvernement dans ce secteur. Nous n’en trouvons aucune trace. Nous serions curieux de connaître, en dehors du projet de supercalculateur à Diamniadio, quel plan stratégique son administration a mis en place pour l’intégration de l’IA et des technologies numériques dans notre développement national?

Des nations africaines telles que le Kenya, le Rwanda et le Ghana ont franchi des pas de géant en établissant des politiques claires et en réalisant des investissements significatifs pour incorporer l’IA dans des secteurs vitaux, stimulant ainsi leur croissance économique et leur développement social. Le Kenya, précurseur dans ce domaine, a établi depuis longtemps une stratégie nationale et créé une task force sur la blockchain et l’IA pour guider son gouvernement dans l’intégration de ces technologies dans des secteurs clés tels que la santé et l’agriculture. Le Rwanda, quant à lui, a inauguré le premier centre d’innovation en IA en Afrique de l’Est. Le Ghana héberge le premier centre de recherche en IA de Google sur le continent africain et a réalisé des investissements gouvernementaux significatifs dans le développement de compétences en IA. Tous ces pays ont mis en place des stratégies concrètes et des infrastructures dédiées à l’avancement de l’IA.

En revanche, le Sénégal, sous le magistère du président Macky Sall, semble naviguer sans cap dans cet océan d’opportunités. Pire, pendant que nos voisins construisent l’avenir de leur jeunesse en investissant dans l’IA, nos universités, temples du savoir, ferment leurs portes aux étudiants pour des raisons politiques. Douze années de politiques inadéquates ont fait grimper le taux de chômage, conduisant les jeunes, y compris des diplômés, sans espoir, à se lancer par milliers dans de périlleuses traversées de l’Atlantique à bord d’embarcations de fortune, en quête d’un avenir meilleur en Europe ou en Amérique, au péril de leur vie.

Pendant ce temps, dans d’autres pays, même les plus avancés, on se prépare activement pour la grande vague de changements que l’intelligence artificielle (IA) va apporter, surtout sur le travail. La réunion récente entre la France, l’Allemagne et l’Italie à Rome, qui a eu lieu le 30 octobre dernier, est un exemple de cette préparation. Des industriels influents de ces pays y ont participé, et ensemble, les représentants gouvernementaux ont mis en lumière l’importance capitale de l’IA, soulignant sa capacité à révolutionner la compétitivité et
l’efficacité économiques. Ils ont pris l’engagement de construire un écosystème européen de financement par capital-risque et de réduire la bureaucratie pour accélérer l’innovation. Ils ont insisté sur la nécessité d’une régulation judicieuse de l’IA, qui stimule l’innovation tout en protégeant les données personnelles, en particulier à travers un cadre légal bien pensé pour les PME. Cette rencontre ne visait pas uniquement à consolider la position de l’Europe sur l’échiquier mondial face aux Etats Unis d’Amérique ; son objectif principal était surtout d’anticiper et de se préparer à la “nouvelle révolution technologique” qu’est l’IA qui promet de bouleverser le marché de l’emploi dans les prochaines décennies.

Ces pays semblent avoir pleinement saisi l’importance stratégique de l’IA, particulièrement en ce qui concerne le marché du travail. Car, selon les prévisions du Forum Économique Mondial, l’IA devrait créer des dizaines de millions de nouveaux emplois à l’échelle mondiale dans la prochaine décennie. Toutefois, cette évolution pourrait aussi mener à la disparition de millions d’autres emplois à brève échéance, avec un bilan prévisionnel négatif de 14 millions d’emplois perdus d’ici 2027, résultant de l’élimination de 83 millions de postes contre 69 millions créés.


Il est tentant de penser que seuls les pays développés seront touchés par ces bouleversements. Toutefois, dans un monde globalisé et interconnecté, l’interdépendance des marchés d’emploi est une réalité qui ne peut être ignorée. Les emplois dans les pays en développement ou sous-développés sont également influencés par les dynamiques économiques et technologiques des nations développées telles que l’Europe et l’Amérique.

Il est donc surprenant et inquiétant de constater qu’un pays comme le Sénégal, déjà confronté à un taux de chômage élevé chez les jeunes, semble ne pas prendre la mesure de cette révolution technologique imminente. L’absence d’une stratégie nationale pour s’adapter à cette nouvelle ère numérique est alarmante, d’autant plus que les effets sur le marché global de l’emploi sont attendus et seront sans doute considérables.

L’inertie des gouvernements successifs du président Macky Sall concernant les nouvelles technologies est d’autant plus surprenante que le pays compte une population majoritairement jeune. En effet, selon les dernières données du recensement général de la population réalisé par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), environ 75% des Sénégalais sont âgés de moins de 35 ans.

Mais, cela ne nous étonne guère, car lorsqu’un président de la République a une vision qui ne dépasse pas Diamniadio et qui, de plus utilise toute son énergie et tous les moyens de l’Etat pour éliminer des candidats de l’opposition, il est clair que ce président a d’autres priorités que d’élaborer et de déployer des programmes visant à intégrer l’intelligence artificielle dans les stratégies de développement national.


Les attentes des Sénégalais envers le Président Macky Sall n’étaient pas de voir leur chef d’État consacrer son temps sur Twitter pour applaudir la nomination de compatriotes au sein d’organismes internationaux. Ce qu’ils espéraient, c’était l’ascension du Sénégal au rang des africaines les plus prospères grâce à l’élaboration et l’implémentation de politiques réelles et de stratégies de développement audacieuses, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Malheureusement, force est de constater qu’après douze années passées au pouvoir, le bilan que le président Macky Sall nous lègue dans ce domaine est plus que catastrophique. En effet, le Sénégal n’apparaît ni parmi les pays les plus développés d’Afrique ni dans le peloton de tête des 11 nations africaines les plus avancées en matière de technologie en 2023, classement dominé par l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Île Maurice, le Nigeria, l’Égypte, le Rwanda, le Botswana, le Ghana, l’Ouganda, l’Angola et le Maroc.


L’absence de mesures concrètes du Président Macky Sall dans le secteur crucial de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies émergentes dénote vraiment d’un manque de vision stratégique. Malheureusement, rater ce train de la révolution technologique risquera fort de compromettre la souveraineté numérique du Sénégal sur le long terme. Il est impératif de corriger le tir le plus rapidement possible et de mettre en œuvre, sans délai, une politique nationale qui puisse capitaliser sur le dynamisme de notre jeunesse et la propulser au cœur de l’innovation technologique mondiale.

Par Fodyé Cissé, sous-commissaire chargé du numérique – Moncap Diaspora.
Remerciements à Birama Diop (Moncap Sénégal) et à Pape Moctar Diop (Moncap
Diaspora)

Références:
● Tweet du Président Macky Sall :
https://x.com/Macky_Sall/status/1719828803197751489?s=20
● Kenya Govt Sets up Blockchain & Artificial Intelligence Taskforce! :
https://kenyanwallstreet.com/kenya-govt-sets-blockchain-artificial-intelligence-taskfor
ce/

● Le Rwanda inaugure le premier centre africain pour la quatrième révolution
industrielle (C4IR) dédié à la recherche et au développement en intelligence
artificielle :
https://www.actuia.com/actualite/le-rwanda-inaugure-le-premier-centre-africain-pour-l
a-quatrieme-revolution-industrielle-c4ir-dedie-a-la-recherche-et-au-developpement-e
n-intelligence-artificielle/
● Google lance son premier laboratoire de recherche en IA en Afrique:

https://www.lesechos.fr/tech-medias/intelligence-artificielle/google-lance-son-premier-laboratoire-de-recherche-en-ia-en-afrique-1008918

● 30/10/2023 – L’Italie, l’Allemagne et la France décident de renforcer leur coopération
dans le domaine de l’intelligence artificielle :

https://presse.economie.gouv.fr/30102023-litalie-lallemagne-et-la-france-decident-de-renforcer-leur-cooperation-dans-le-domaine-de-lintelligence-artificielle/

● Le Forum économique mondial chiffre à 14 millions les pertes nettes d’emplois dans
le monde d’ici à 2027
https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/02/le-forum-economique-mondial-c
hiffre-a-14-millions-les-pertes-nettes-d-emplois-dans-le-monde-d-ici-a-2027_6171806
3234.html ● Sénégal: 75 % de la population a moins de 35 ans : https://www.yenisafak.com/fr/international/senegal-75-de-la-population-a-moins-de-3 5-ans-15269 ● Most Technology Advanced Countries In Africa 2023: Top 11 : https://bscholarly.com/most-technology-advanced-countries-in-africa/ ● Émigration clandestine: 3 “étudiants de l’Ucad ” périssent en mer https://www.seneweb.com/news/Societe/emigration-clandestine-3-quot-etudiants-_n
424649.html

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