Le pouvoir en place ne se limite plus à l’élimination arbitraire du chef de l’opposition sénégalaise Ousmane Sonko. C’est parce que le candidat du parti au pouvoir Amadou Ba est convaincu que les candidats parrainés par Sonko (Bassirou Diomaye Faye et Cheikh Tidiane Dieye, communément appelés plan B et C) peuvent le battre qu’il s’est empressé de faire des recours officiels devant le Conseil constitutionnel pour l’invalidation de leur candidature aux motifs fallacieux de : appartenance à une entité politique dissoute (précision : Cheikh Tidiane Dieye n’a jamais été membre de Pastef, mais membre fondateur de la Plateforme Politique AVENIR Senegaal Bi Nu begg (Alliance pour des valeurs, pour l’éthique, pour la nation, pour l’Indépendance de la République) et fièrement un allié de la coalition Yewwi Askan Wi -Libérer le Peuple), investiture par une coalition irrégulièrement constituée, non-appartenance au parti ou à la coalition qui l’a investi et la production de fausses pièces devant le Conseil constitutionnel.
Amadou Ba et son mentor Macky Sall n’ont plus honte de démontrer aux Sénégalais et à la face du monde entier qu’ils ne veulent pas affronter loyalement leurs adversaires. Aucun scrupule mais au Sénégal, on dit « beuré kou meune sa morome douma » (que le meilleur gagne, traduction approximative).
Le Sénégal sous Macky Sall est devenu la risée du monde : après les accusations farfelues pour « vol de téléphone portable » contre le chef de l’opposition Ousmane Sonko, voici une sélection présidentielle qui saute aux yeux. Où sont passées les valeurs de sportivité et de combativité républicaine de nos anciens présidents, les prédécesseurs Abdou Diouf, Abdoulaye Wade qui n’ont jamais empêché un candidat de participer à une élection présidentielle.
Candidat à la place de Sonko, l’opposant Bassirou Diomaye Faye âgé de 43 ans -originaire du village de Ndiaganiao-qui n’a pas encore une condamnation définitive peut écrire l’histoire en étant le plus jeune candidat devenu président alors qu’il était en prison. Le Sénégal pourrait élire un président emprisonné.
Candidat moins clivant, Bassirou Diomaye Faye a été emprisonné après avoir critiqué sur les réseaux sociaux le comportement de certains magistrats dans une affaire de « diffamation » impliquant le chef de l’opposition Ousmane Sonko et le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Il est en détention depuis le 14 avril 2023 pour « outrage à magistrat » et « diffamation à l’encontre d’un corps constitué », entre autres. Son incarcération est paradoxalement un atout. En Afrique, la case prison peut mener au poste de président, le Sénégal, l’Afrique du Sud, ne font pas exception de ce triste constat (le Brésil aussi en Amérique du Sud). A l’instar de Sonko, le secrétaire général du parti Pastef-Les Patriotes Bassirou Diomaye Faye a fait du changement du système politique son combat.
Ce proche d’Ousmane Sonko jouit d’une légitimité incontestable au sein du parti populaire et résilient. Le cofondateur du Pastef en 2014 et inspecteur des impôts et domaines Bassirou Diomaye Faye a le profil de l’emploi. Cet homme de confiance d’Ousmane Sonko qui connait aussi les rouages de l’État sera opérationnel dès le premier jour 1. Ce bras droit d’Ousmane Sonko est l’opposant le mieux placé pour remporter l’élection cruciale du 25 février. Son parcours socioprofessionnel en est révélateur. Il axera son style de gouvernance sur la transparence, la justice sociale et la redevabilité (ou imputabilité). Le jeune candidat de la coalition Diomaye 2024 représentera dignement les jeunes qui représentent 3/4 de la population sénégalaise, une jeunesse décomplexée, consciente, engagée et panafricaniste.
Les autres forces en présence de la mouvance présidentielle ou candidats du système
La coalition présidentielle a présenté plusieurs profils (Amadou Ba, investi officiellement par le camp du pouvoir), des candidats issus des rangs de la famille naturelle ou politique de Benno Bokk Yakaar dont (l’inspecteur principal des impôts et des domaines et maire de Kolda El Hadji Mamadou Diao dit Mame Boye Diao, l’ancien ministre de l’intérieur et maire de Linguère Aly Ngouille Ndiaye, l’ancien premier ministre Mohamed Ben Abdallah DIONNE, l’ancien président du Conseil économique, social et environnemental Idrissa Seck) et d’autres candidats (l’entrepreneure Anta Babacar Ngom, la gynéco-obstétricienne Rose Wardini, le professeur Daouda NDIAYE – ou des candidats inconnus et même insoupçonnés) pour préparer le second tour. Le candidat le mieux placé du premier tour sera probablement soutenu par les autres profils. Les tendances ne démontrent aucune possibilité que les candidats choisis actuellement par le Conseil constitutionnel passent au premier tour de cette élection présidentielle.
On pourrait facilement résumer cette élection comme un référendum entre la continuité prônée par Amadou Ba ou la rupture incarnée par l’opposition radicale et/ou représentative. Mieux, les groupes d’opposition doivent renforcer Bassirou Diomaye Faye, le candidat de la dynamique Sonko qui a une meilleure chance de gagner cette élection à laquelle tous les Sénégalais ont hâte de participer massivement au regard des enjeux énormes du Sénégal qui est à la croisée des chemins (démocratie, instauration d’un État de droit, libération des prisonniers politiques, patriotisme économique, souveraineté, renégociation des contrats liés aux ressources naturelles, résorption du chômage endémique, lutte contre la migration irrégulière, espoir à la jeunesse qui constitue 3/4 de la population sénégalaise, etc.).
Doudou Sow, sociologue, auteur et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs