Depuis sa création en 2017, avec la fusion des sociétés d’assistance aéroportuaire Aviation
Handling Services(AHS) et Sénégal Handling Services (SHS), 2AS s’est imposée comme un acteur clé du paysage aéroportuaire au Sénégal. Cette initiative, née d’un partenariat entre LAS (LIMAK AIBD SUMMA) et Air Sénégal, a démarré avec un capital social de 100 000 000 FCFA.
En octobre 2022, l’activité de 2AS se diversifiait entre la manutention (63% du chiffre d’affaires),
le fret/cargo (19% du chiffre d’affaires) et les services supplémentaires (9% du chiffre d’affaires).
2AS a traité environ 9000 vols en 2021 dont environ 30% étaient des vols pour Air Sénégal. Entre 2020 et 2022, le chiffre d’affaires du secteur fret de 2AS a augmenté de 30%. Par ailleurs, le carnet de commandes de 2AS Technics était principalement occupé par Air Sénégal qui représentait 70% des vols couverts par sa maintenance avec une fréquence de 7 vols par semaine. Les 30% restants étaient répartis entre 8 compagnies aériennes internationales, notamment : Air France, Turkish Airlines, Neos, Emirates, Iberia, TAP Air Portugal, Vueling et Delta. Sur un total estimé de 9033 vols effectués à l’aéroport de Dakar, 2AS Technics couvrait seulement 57%, soit 6 compagnies. D’après le rapport, l’agrément d’assistance en escale aurait été octroyé exclusivement à 2AS jusqu’à l’atteinte des 3 millions de passagers avec un investissement initial de 5 milliards provenant d’un prêt accordé par LAS (actionnaire majoritaire) à 2AS, rémunéré à un taux de 7%.
Des transactions opaques auraient été effectuées pour l’achat d’équipements d’occasion par le
biais d’une centrale d’achat appartenant à SUMMA TURIZM, un groupe turc, soulevant des inquiétudes quant à la légalité de ces opérations. Dans le cadre du rachat, AIBD a remboursé le compte courant de 2AS pour un montant de 7 milliards. En échange, Air Sénégal a cédé 25% de ses parts à AIBD, contrairement à ce que déclare AIBD dans sa réponse, affirmant qu’il était déjà actionnaire. En plus de ces 7 milliards, l’état du Sénégal a fermement négocié le rachat des 51% des parts de LAS dans 2AS pour 12 milliards avec les Turcs. Cela porte le coût total de la transaction à 19 milliards pour les 76% de participation d’AIBD dans le capital de 2AS.
Ce rapport révèle l’existence de deux directions opérationnelles chargées des activités d’assistance en vol et de fret. Trois directions transversales assurant les fonctions de soutien en finance, ressources humaines,achats etlogistique. Trois chefs de département directement rattachés au Directeur Général sont responsables de la Qualité & Sécurité/Sûreté, des Technologies de l’Information & Télécommunications, et du Commerce & Marketing. La branche opérationnelle compte un personnel de 723 personnes, la direction des Opérations est structurée en 4 départements. En sus, l’effectif total de 2AS s’élève à 918 employés dont 500 employés syndiqués parmi les 632 employés permanents. L’état des lieux du matériel de la société d’assistance a aussi été effectué, démontrant l’état de délabrement avancé de la plus grande partie de l’équipement en place.
Selon le rapport KPMG, 60% du matériel de manutention dépasse la limite d’âge recommandée. Ce qui entraîne des pannes récurrentes et des besoins de maintenance. L’âge de l’équipement est aussi supérieur à l’âge recommandé, entraînant des temps d’arrêt sévères. Le rapport souligne que l’équipement est la propriété de 2AS et une partie de celui qui a été acheté d’occasion. «La principale raison pour laquelle les chariots élévateurs ne peuvent pas fonctionner est la difficulté d’approvisionnement en pièces de rechange. Ainsi que l’allocation des créneaux horaires du personnel qui n’est pas uniforme entre 22h00 et 02h00 à l’aéroport AIBD. Ce qui contribue à accroître la demande», révèle le rapport.
Des questions urgentes se posent quant à la valeur réelle de 2AS évaluée par KPMG France, ainsi que sur les raisons ayant poussé le ministère du Transport aérien et du Développement des
Infrastructures Aéroportuaires d’alors à négocier ces transactions complexes. De plus, les fonds al-
loués pour l’acquisition des équipements de servitude qui étaient prévus pour relever la valeur
marchande de 2AS d’un montant de 10 milliards qui sont toujours introuvables alors que l’AIBD
confirme dans sa réponse cet achat méticuleux à 12 milliards au lieu des 19 milliards déboursés.
A ce niveau, qu’il nous soit permis de rappeler les questions que nous avons réitérées dans notre
réplique au droit de réponse de la cellule de communication de l’AIBD (voir notre édition de ce
vendredi 12 avril 2024).
Pourquoi, à deux jours de l’élection présidentielle, l’AIBD a-t-il pris cette décision soudaine et pro-
cédé à la signature de ce contrat ? Quels termes spécifiques ont étéinclus dans ce contrat et quelles sont les implications juridiques et financières pour les parties concernées, notamment l’AIBD et la société de handling 2AS ? L’AIBD a-t-elle versé le montant convenu pour l’acquisition de 2AS ? Et si oui, quelles sont les sources de financement utilisées ? Comment s’est déroulé le processus d’appel d’offres pour l’achat des équipements de handling, et quelles mesures ont été prises pour garantir l’équité et la conformité aux règles d’approvisionnement public ? à qui appartient la société qui a passé la commande des équipements pour 2AS au nom d’un GIE ? Y avait-il d’autres entreprises sénégalaises en lice lors de cet appel d’offres, et si oui, quelles sont les raisons pour lesquelles elles n’ont pas été sélectionnées ? Pourquoi Air Sénégal S.A. n’a-t-elle pas été considérée pour prendre en charge la gestion de 2AS, en vue d’assurer une uniformisation de la gestion aéroportuaire, conformément aux pratiques internationales ?
Malgré une évaluation initiale de 2AS entre 5 et 6 milliards(selon le mode d’évaluation), la transaction serait finalement conclue à 19 milliards. Cette disparité soulèvedes questions sur la justification du prix d’achat et sur d’éventuelles irrégularités dans le processus devente. Encore une fois, les nouvelles autorités gagneraient bien à mettre leur nez dans cette acquisition à milliards qui paraît pour le moins nébuleuse !
Zaynab SANGARE, Le Témoin