Dans un monde qui évolue à grande vitesse, organisations et travailleurs n’ont d’autres choix que de s’adapter en continu. Cela ne signifie pas pour autant que les équipes adhèrent facilement aux différents changements. Pour cela, il faut non seulement bien communiquer ses intentions, mais aussi se mettre au diapason des travailleurs. Quelques conseils.
«Pour susciter l’adhésion, il faut chanter la même chanson et s’assurer qu’on a le bon air», illustre Caroline Ménard, présidente et associée chez Brio, boutique de management. Avant de se lancer tête première dans une transformation, mieux vaut s’assurer que toute l’équipe de direction, des gestionnaires aux hauts dirigeants, soit sur la même longueur d’onde. Une étape souvent escamotée, note-t-elle. «Pour cela, il faut débattre et se demander : qu’est-ce qu’on change? Pourquoi le fait-on? Quels sont les bénéfices que cela va nous apporter et comment s’y prendra-t-on?», détaille-t-elle.
«S’il n’y a pas d’alignement, cela peut alimenter les doutes», prévient la spécialiste. De plus, si les messages volent dans tous les sens, les employés risquent d’être sceptiques, de se démotiver ou pire, d’accueillir le changement avec un simple haussement d’épaules. «Il faut aussi s’assurer d’être cohérent, juste et équitable. Si on a fait des compromis, qu’on a tourné les coins ronds, ça peut créer de l’incertitude, dit-elle. Et, si on manque de transparence, les gens vont s’en apercevoir.» Raconter la «vraie histoire» permet donc d’établir la confiance et de rallier plus facilement les troupes. Cela permet aussi de confirmer que chacun comprend la nature des transformations et les objectifs derrière celles-ci.
Écouter pour agir
«Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus par rapport à ce changement?» C’est la question gagnante à poser, estime Céline Bareil, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal. Cela permet de se mettre au diapason des questionnements légitimes des travailleurs, de les rassurer au besoin et de les accompagner dans la recherche de solutions. «Ce n’est pas parce que j’ai écouté une fois que c’est réglé, puisque ces préoccupations évoluent dans le temps et que d’autres apparaîtront en cours de route», avertit-elle toutefois.
Pour rallier les troupes, il est donc important de maintenir le dialogue ouvert à toutes les étapes de la transformation, surtout que l’adhésion peut varier dans le temps. «Il faut que les gestionnaires aillent se faire voir», lance avec humour Pierre Lainey, maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal. «Soyez près de vos gens pour entendre ce qu’ils ont à dire. Faites-le dans un contexte informel, que ce soit autour de la machine à café, à la cafétéria ou encore dans des rencontres informelles.» Il est aussi possible d’organiser des ateliers de travail où les participants peuvent partager de façon anonyme leurs inquiétudes, suggère Céline Bareil.
Mieux écouter pour mieux agir
Prendre le pouls du terrain ne suffit pas, avertissent-ils. «Qu’allez-vous faire avec ces informations? Il faut passer à l’action avec des gestes qui reflètent ce que les gens ont dit. C’est là que l’adhésion va commencer à apparaître.» C’est à travers ce cycle écoute-action que la confiance se bâtira, ajoute Pierre Lainey.
«Si les personnes ont l’impression de parler dans le vide, elles risquent de perdre confiance en la capacité d’agir de leur gestionnaire et de se taire», précise-t-il. Ce «silence organisationnel» pourrait même mener à l’échec du projet, puisqu’il est difficile de garder le cap, et d’ajuster le tir, sans savoir ce que vivent les personnes concernées. «Il faut donc non seulement écouter, mais aussi reconnaître les obstacles qu’ils ont à surmonter et les aider à passer par-dessus», souligne-t-il. C’est aussi l’occasion d’impliquer les gens dans la mise en œuvre de la transformation et dans la recherche de solution, un facteur de mobilisation.
Certaines actions sont impossibles à poser? Il faut expliquer pourquoi, sans faux-fuyants. «Les gestionnaires hésitent souvent à aborder ces questions parce qu’ils ont peur que ça décourage les gens, note Pierre Lainey, mais c’est tout le contraire qui se produit. La transparence, c’est fondamental. À partir du moment où les destinataires du changement n’ont plus confiance en celui qui le mène, le projet va échouer.»
«Devant un changement, la majorité des gens se trouvent dans une posture d’ambivalence, rappelle pour sa part Céline Bareil. Ils ne sont ni super enthousiastes, ni complètement contre. Ils apprécient leur statu quo, leur confort, leurs habitudes, mais pourraient être ouverts à essayer autre chose. C’est cette posture qu’il faut transformer pour susciter l’adhésion.» Ainsi, il ne faut pas nier les conséquences qu’aura le changement, tout en amenant les personnes concernées à voir le positif derrière cette transformation. Ce qui demande écoute, soutien et accompagnement, insiste la spécialiste.
Par Anne-Marie Tremblay