En plein milieu de la tempête foncière qui avait opposé l’homme d’affaire Babacar Ngom et les paysans de Ndingler, un homme a vu sa popularité s’étendre: Bassirou Diomaye Faye. S’érigeant en défenseur de ses parents sérères victimes de spoliation foncière, Bassirou Diomaye Faye avait porté ce combat sur tous les fronts. Nous reproduisons cet article du journal L’AS publié le 14 juillet 2020 qui revient sur le parcours marquant de l’ancien coordonnateur du Mouvement des cadres devenu Secrétaire général de Pastef.
Il ne pouvait pas faire autrement que d’éclairer la lanterne des Sénégalais, tellement l’affaire des terres de Ndengler était devenue retentissante avec des relents de cause nationale. En effet, la prise de parole du président directeur général de SEDIMA, Babacar Ngom, était presque irréversible. Mais si ce litige est devenu un débat national, c’est grâce en partie à un homme qui l’a porté sur ses épaules : Bassirou Diomaye Faye. Le président du MONCAP et lieutenant en chef du président Ousmane Sonko, tel le porte-parole des laissés pour compte, a vulgarisé cette question.
A lui tout seul, il a fait trembler toute une institution. Poussant le président de SEDIMA dont les sorties médiatiques durant toute sa carrière d’entrepreneur reconnu peuvent se compter sur le bout des doigts, jusqu’à ses derniers retranchements.
En effet, n’eût été Bassirou Diomaye Faye, les populations de Ndengler n’auraient certainement pas engrangé tant de messages de solidarité à leurs égards, même si le «patriote» ne souhaite pas cristalliser les attentions. «Je préfère ne pas me prononcer sur cette question. Ce n’est pas une affaire entre la SEDIMA et Bassirou Diomaye Faye. Et les vrais héros de cette lutte, ce sont les paysans. Et c’est eux qui souffrent et qui ont été injustement spoliés», nous dit-il au téléphone. Mais qui est ce captivant personnage politique qui crève l’écran depuis quelque temps ?
Le président du Pastef Ousmane Sonko, lors de sa dernière sortie, disait ceci : «De moins en moins, vous allez m’entendre sur les scandales, car j’estime humblement que je n’ai plus rien à prouver sur ce domaine…Je vous laisse maintenant avec mes lieutenants comme Biram Soulèye, Bassirou Diomaye Faye et autres», indiquait le leader de Pasteef.
Né à Ndiaganiao il y a 40 ans, «BDF» est incontestablement sur les pas de son charismatique leader. Son flegme britannique et sa voix posée ne doivent pas vous tromper. Car cet ancien pensionnaire de la mission catholique et du Cem de Ndiaganiao qui porte le nom de son grand-père Macor est tout sauf un enfant de chœur, même si son calme laisse apparaître une douceur exquise et donne l’impression d’un être candide.
Bassirou Diomaye Faye est un polémiste redoutable et craint. La réponse salée qu’il avait adressée à Yakham Mbaye dans une contribution qui avait fait le tour des réseaux sociaux et dénommée : «Les vains aboiements d’un chiwawa » en est une parfaite illustration. Très critique à l’encontre du régime en place, ce Sérère bon teint qui se laisse entrevoir dans l’éclat de sa noirceur et dans son élocution, ne porte pas de gants quand il s’agit de servir une réponse du berger à la bergère. Ce fut le cas lors de son face-à-face avec Me El Hadji Diouf. La robe noire qui pourtant d’habitude jubile devant l’adversité, n’a pu supporter les attaques de l’acolyte d’Ousmane Sonko.
Ancien élève du Lycée Demba Diop de Mbour où il a obtenu le baccalauréat en 2000, Bassirou Diomaye Faye a aussi un regard pointu sur les questions qui touchent à l’Etat, mais aussi la bonne gouvernance. Normal, il est breveté de l’ENA, après une maîtrise en Droit obtenue en 2004 à l’UCAD. Révélé au grand public après la création du Pastef il y a 6 ans, l’inspecteur des impôts affirme que son entrée en politique est une surprise. «Il ne me traversait pas l’esprit de faire de la politique, car quand vous avez un parent qui fait de la politique, de prime abord, vous avez horreur de la politique parce que vous voyez le manque de temps. Vous voyez la pénibilité de l’engagement, vous voyez les absences répétées du pater», nous confie-t-il. « Mais c’est a priori l’engagement de son père qui a milité au Parti socialiste qui l’a poussé à emprunter ce chemin. «Vous ne vous rendez pas compte en même temps que ce qui fait l’engagement de votre pater a dû vous laisser une quelconque fibre de refus qui fait que vous ne pouvez pas supporter beaucoup de choses. Des choses que vous trouvez anormales et que vous devez combattre», glisse-t-il.
D’autant que pour le secrétaire général du Syndicat des Domaines, entre le syndicalisme et la politique, il n’y a qu’un pas de franchi. «Je pense que le syndicalisme côtoie de très près l’engagement politique. Et il y a un pas à faire entre la défense des intérêts matériels et moraux de ta corporation et la défense des intérêts du peuple, à travers un engagement militant, dans le cadre d’une formation politique», renchérit l’ancien chargé des revendications du syndicat des impôts.
Affecté tour à tour au Centre des professions libérales, au Centre des grandes entreprises, à la Brigade des vérifications, entre l’actuel chef du bureau des contentieux à la Direction de la législation et de la coopération et le président du leader du Pastef, l’alchimie allait quasiment de soi. Même région de naissance, même parcours académique, même profession, même trajectoire syndicale, mêmes aspirations patriotiques. Les similitudes vont même jusqu’au crâne rasé et à la manière d’entretenir leur barbe. Ainsi, telle une rencontre qui était déjà écrite, Bassirou Diomaye Faye fait partie du comité d’initiative du parti Pastef. «J’ai eu l’honneur de concevoir la feuille de route du comité de pilotage provisoire qui a été mis en place à l’occasion de l’Assemblée générale du 4 janvier 2014», se rappelle l’actuel président du MONCAP.
Pour Ousseynou Ly, c’est une chance pour Ousmane Sonko d’avoir Bassirou autour de sa personne. «C’est quelqu’un qui a la tête sur les épaules. C’est une personne calme, posée. Ce qui fait de lui un homme à qui on peut faire confiance, car dans le milieu où nous sommes, avoir ces genres de personnes tellement posées est une chance», s’enflamme son camarade de parti. «Saviez-vous qu’il a réussi en même temps les concours de l’ENA et de la magistrature ? C’est vous dire que c’est une tête bien faite. Et il a une maîtrise parfaite de l’Etat», ajoute ce dernier.
Mais Diomaye prend ses encouragements avec humilité. «Nous sommes dans le cadre d’un combat que nous menons en collégialité, où chacun fait son mieux. Naturellement, dans le cadre d’une formation politique comme dans le cadre de chaque organisation, il y a des gens qui sont plus sous le feu des projecteurs que d’autres. Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont plus importants, car au sein de Pastef, le grade le plus élevé, c’est celui du militant engagé et dévoué», rappelle-t-il. Néanmoins, chez ce pratiquant des arts martiaux, la politique est un viatique. «Je ne sais pas ce qu’il y a dans l’agenda de Dieu, mais au soir de chaque journée, il faut faire le bilan de ce que l’on a fait, de ce qu’on devait faire et ce qui reste à faire. Mais aussi espérer vivre le lendemain pour pouvoir continuer à relever le défi», affirme le lieutenant de Sonko.
Taxé parfois de subversif ou d’arrogant, Bassirou Diomaye Faye trouve que combattre l’injustice est un sacerdoce. «Quand vous êtes élevé par un père qui a horreur de l’injustice, vous vous sentez responsable. Même dans la vie courante, vous pouvez remarquer dans un groupe de jeunes qu’il y a toujours parmi eux certains qui défendent les autres. Et souvent, ce ne sont même pas les plus corpulents ou les plus robustes. Mais c’est comme ça qu’ils sont. Ils ont horreur de l’injustice et ils assument leurs responsabilités. Moi, ce que j’abhorre par-dessus tout, c’est de voir ceux qui pensent être plus forts se servir de leurs forces pour écraser les supposés faibles», lâche cet amoureux du plat «Attiéké».
Et à la question de savoir pourquoi il a fait le choix de faire de la politique, parfois tortueuse, alors qu’il pouvait rester tranquillement dans les bureaux dorés de la direction des Impôts en gérant une carrière professionnelle prometteuse, la réponse est sans équivoque : «Parce qu’il y a le Sénégal, pays que nous n’avons pas choisi et dans lequel nous sommes nés et qui nous a tout donné et à qui nous devons tout. Parce qu’aussi, il y a nos enfants qui grandissent sous nos toits et dont l’avenir nous préoccupe beaucoup, quand on regarde la trajectoire que prend notre pays sur le plan de la gestion étatique. Parce qu’aussi nous avons la chance d’être dans le système administratif et de voir d’où ça pèche, et de croire foncièrement que les solutions sont en nous et qu’ils nous manquent juste des dirigeants qui ont de l’audace, qui ont un sens élevé du patriotisme pour que les choses commencent à bouger. C’est un devoir pour nous. Et un devoir, il faut le remplir ou le trahir», renseigne-t-il.
Marié et père de quelques enfants, l’inspecteur des impôts ne trouve pas exaltant de rester dans le confort d’un bureau. Et comme Mamadou Dia, Cheikh Anta Diop, il trouve exaltant d’être un facteur de solutions aux problèmes de la cité, aux problèmes des Sénégalais. «Ce n’est que comme ça qu’au soir de sa vie, on peut être heureux d’avoir servi son pays. En tout cas personnellement, je ne voudrais pas être dans un égoïsme certain consistant à juste gérer mon quotidien et celui de ma famille et fermer les yeux sur les problèmes qui assaillent le pays», affirme-t-il, avec un brin de lyrisme qu’il a puisé certainement dans ses poèmes qu’il écrivait quand il était encore beaucoup plus jeune.
Même s’il affirme qu’il n’a pas de livre de chevet, Bassirou Diomaye Faye cite néanmoins trois ouvrages qui l’ont profondément marqué. Il s’agit de «Masaalikul Jinaan» de Cheikh Ahmadou Bamba, «Lettre sur le Mal» de Spinoza ou encore «Une mort magnifique» de l’auteur Ameth Guissé.
Toutefois, le fils prodige de Ndiaganiao n’excelle pas simplement dans les arts martiaux. «Il est d’un humour décapant. Il est un boute-en-train car pendant nos réunions, quand tout le monde se sent fatigué, il peut lâcher un mot qui fera éclater tout le monde de rire», renseigne Ousseynou Ly. Comme quoi, l’apparence est souvent trompeuse, même chez un homme comme Bassirou Diomaye Faye qui donne l’impression d’un «lieutenant sévère et sérieux»