Dérive des Âmes mes : Le Réquisitoire de la Jeunesse Sénégalaise en Exil Par Astou THIAM
La clameur se lève. Entendez-vous ce grondement sourd qui résonne depuis les entrailles du Sénégal ? C’est le cri de sa jeunesse, de ses fils et filles repoussés vers l’océan, victimes d’une existence étouffée par la répression et la misère.
Un damier politique trouble laisse en héritage des menottes aux opposants. Ousmane Sonko en est le triste symbole qui nous sort de notre torpeur. Le naufrage social est tel que l’élan vers l’inconnu paraît être le seul remède. Des pirogues vers l’occident, remplacées aujourd’hui par des billets d’avion, papier glacé du désespoir.
Casablanca, Managua, Mexico… Des escales qui s’enchaînent comme les vers d’un poème tragique. Vers une Amérique rêvée, lueur vacillante au bout d’un tunnel sans fin. Mais à l’arrivée, c’est l’impasse. Le rêve s’effrite et se transforme en cauchemar, ils deviennent ces âmes errantes, ces sans-abris de l’asile politique.
Où est donc passé ce Sénégal, jadis lumière d’Afrique, espoir des démocraties naissantes, orgueil de toute une nation ? Les jeunes, ces éclaireurs de l’avenir, sont devenus des fantômes vagabonds, qui traînent leurs rêves perdus sur des trottoirs étrangers. Ils sont le reflet ébréché d’une nation fracassée, le miroir d’une jeunesse en ruine. Chaque rêve échoué sur le sol américain est une griffure au visage du Sénégal.
Alors, ce cri de cœur enfle. Il émane des tréfonds d’une jeunesse sacrifiée, d’une nation chavirée, il voyage par-delà les mers et les continents. Il dénonce l’inacceptable, la fuite forcée, il crie devant l’injustice arrogante, le désespoir étouffant, le mépris insoutenable. Ce cri de cœur s’élève, entêté, furieux, déchaîné! Il brise le silence, déchire la nuit, ébranle les consciences.
Ce n’est pas une lamentation, c’est un rugissement ! Ce n’est pas une prière, c’est un poing levé ! Ce n’est pas un appel à l’aide, c’est un coup de semonce! Un cri de révolte à en réveiller les morts, à fendre l’air, à ébranler l’oppression.
Ce n’est pas seulement les rues de Dakar, c’est le monde qui doit entendre ce révolte. Cette douleur, ce désarroi, ce désespoir, doivent résonner jusqu’aux confins de la terre, pour que personne ne puisse dire: “Je ne savais pas”. Voilà le Sénégal d’aujourd’hui, crise d’une jeunesse exilée, naufrage d’un pays qui se trouve à la croisée des chemins.
Le cri a été lancé. Il appartient à chacun de nous de l’entendre, de le décupler et de le cracher au visage de ceux qui nous ont fait cela, et de dire : Assez ! Ce ne sont pas des SDF anonymes que nous abandonnons à l’étranger, ce sont nos enfants, notre futur, notre fierté. Assez!