Les détracteurs du principal opposant sénégalais Ousmane Sonko lui reprochent de tenir souvent des « propos virulents » pouvant inciter le peuple à se soulever contre le pouvoir en place. Toutefois, a-t-on également posé la question si l’actuel président sénégalais Macky Sall n’est pas aussi rattrapé par ses propos va-t-en-guerre qu’il tenait en tant que farouche opposant devant l’ancien président Abdoulaye Wade, avant les élections présidentielles de février 2012. Aujourd’hui, son opposant le plus critique et coriace Ousmane Sonko est-il en train de lui faire goûter sa propre médecine ou ne fait-il seulement que se défendre en utilisant les droits que la Constitution lui donne, c’est-à-dire la résistance à l’oppression?
Un rappel des faits s’impose dans le but de passer au crible certains propos qui auraient pu mener l’opposant en prison (en suivant sa logique de la démocratie) si l’ancien président Abdoulaye Wade n’était pas une figure favorisant la libre expression, manifestation et certains principes démocratiques.
Soulignons d’emblée que le contexte politique en 2011 était le suivant : imposer un rapport de forces au président Wade en vue de le pousser à renoncer, à juste titre, à son projet de dévolution monarchique. 12 ans après, le contexte de refus de tripatouillage constitutionnel reste pratiquement le même : acculer le président Macky Sall et le pousser à renoncer à son projet de troisième candidature (ce qui est fait en partie), de liquidation des adversaires politiques, la fin de l’impunité et de la justice à deux vitesses.
Les Sénégalais ne sont pas amnésiques et se souviennent du langage guerrier du candidat Macky Sall à la Place de l’Obélisque, lorsqu’il était dans l’opposition. En 2011, le candidat Macky Sall menaçait son prédécesseur Abdoulaye Wade en ces termes : « Si Wade touche la constitution, on va le déloger du palais ».
Résumé des propos incendiaires de l’opposant Macky Sall en lien à l’appel à un soulèvement populaire ou à une résistance constitutionnelle
« La confrontation avec le pouvoir est inévitable et l’armée devra prendre ses responsabilités aux côtés du peuple »., avait-il déclaré en tournée dans le département de Mbour, le 19 juin 2011.
Le lendemain, le candidat de la coalition Macky 2012 pour la présidentielle du 26 février 2012 revient à la charge en disant ceci : « J’appelle tous les militants républicains et les Sénégalais soucieux de l’avenir de notre pays et de nos institutions de venir nous rejoindre dans la rue pour faire cesser le processus de monarchisation du Sénégal. Le combat contre le régime se fera dans la rue » (20 juin 2011).
En faisant valoir son droit à la résistance comme le fait actuellement Ousmane Sonko, l’opposant d’alors Macky Sall disait que : « Si Wade veut nous imposer la violence, nous n’avons d’autre choix que de lui faire face », promettait-il. Dans la même veine, il indiquait que : « La solution est entre les mains du président, il faut qu’il montre le chemin. S’il veut aller à la confrontation, alors nous irons à la confrontation ». Celui qui cherchait à briguer le suffrage des Sénégalais, en les amadouant dans tous les sens du terme, enchainait les accusations contre l’ancien régime de Wade. « Le pouvoir n’a plus que la terreur pour se maintenir. On ne peut pas terroriser tout un peuple, on le paye fatalement » (Macky Sall accuse Wade de recruter des mercenaires pour mater des opposants, juin 2011). Des titres des journaux sénégalais sont révélateurs de l’attitude belliqueuse de Macky Sall lorsqu’il était dans l’opposition. Macky SALL en 2012 : « si WADE dit qu’il a gagné on marche au palais, on va le dégager » Walfadjri; Entretien avec Macky Sall : « Si Wade dit avoir gagné avec 53 %, ce sera l’insurrection… » (Sud Quotidien, Xalima février 2012).
On reproche aujourd’hui à la figure de proue de l’opposition Ousmane Sonko de mobiliser ses partisans et de faire appel aux jeunes des jeunes lorsqu’il est attaqué de toutes parts. Pourtant l’opposant Macky Sall avait menacé de mobiliser « 200 000 personnes » pour aller déloger le président Abdoulaye Wade de son palais, « Arrête de provoquer le peuple sénégalais. Il faut qu’il [Wade] comprenne que nous avons les moyens de faire descendre plus de 100 000 personnes, plus de 200 000 personnes pour conquérir le palais, promettait-il. ». (Vidéo preuve à l’appui dans la publication)
En pleine campagne électorale en 2011, Macky Sall approuvait également que ses partisans forcent violement le barrage des policiers pour se rendre à leurs activités politiques (voir vidéo) au moment où le chef de l’opposition actuelle, dans un même contexte, est séquestré, barricadé, gazé par les forces de défense et de sécurité, sans aucune base légale mais sous le prétexte de « maintien à l’ordre public ».
En guise de rappel, le président sénégalais, alors qu’il était tout puissant premier ministre avait voté de force dans sa ville, sans présentation d’une pièce nationale d’identité (rapport onel). Dans un article de Bacary Domingo MANE de Sud Quotidien intitulé Sénégal : Après la plainte déposée par l’Onel : Ce que risque le ministre Macky Sall, il est clairement indiqué que : « L’Observatoire national des élections (Onel) a révélé hier mercredi 22 mai [2002], lors d’un point de presse tenu à la suite de son assemblée générale, qu’il a porté plainte depuis le 21 mai dernier contre Macky Sall, responsable du Parti démocratique sénégalais (Pds) à Fatick, par ailleurs ministre des Mines et de l’Hydraulique. »
Toujours selon cet article qui décrit la véritable nature de celui qui dirige actuellement les Sénégalais, il y était mentionné que « cette plainte est sur la table du procureur de Fatick, ville où se sont passés les faits. Il est reproché à Macky Sall d’avoir fait du » forcing » dans le bureau de vote n°4 du centre Thierno Mamadou Sall de Fatick, en votant, le 12 mai dernier, avec une carte d’électeur utilisée lors de la présidentielle 2000 et communément appelée » carte israélienne « Et cela malgré les injonctions du président du Bureau de vote. Dans le rapport du président de l’Observatoire régional des élections (Orel) de Fatick, il est clairement indiqué que Macky Sall, né le 11 janvier 1961, s’est » senti offusqué » lorsqu’on lui a dit qu’il ne pouvait voter avec la carte d’électeur utilisée lors de la dernière présidentielle ».
Le président Macky Sall est coutumier du forcing et ne connaît donc que le rapport de forces
Lorsqu’il était dans l’opposition, à la veille de l’élection de 2012, le candidat Macky Sall avait promis un bilan immatériel aux Sénégalais. Il disait en substance que le bilan qu’il aurait à livrer aux Sénégalais ne sera pas celui d’un bilan immatériel (des routes ou infrastructures) mais des valeurs qu’il faut restaurer. Que nenni !
Contrairement à ses prédécesseurs (Senghor, Diouf et Wade), le président Macky Sall ne laissera aucune lettre de noblesse à la démocratie sénégalaise. Confronté à l’épreuve des faits, on constate nettement que le président Macky Sall est loin d’être un démocrate. Le contexte qui prévalait à l’époque de la précédente élection, en 2012, est le même en termes d’arrogance, de gestion familiale et clanique, de brutalité policière, de perception encore plus négative de la justice et de régression d’un État de droit.
Le président Macky Sall est coutumier du forcing et ne connaît donc que le rapport de forces qui lui a permis jusqu’à maintenant de tout gagner contre l’opposition en emprisonnant certains leaders politiques, en ayant des taupes parmi elle, posant un à un plusieurs actes de défiance, s’appuyant aussi sur une justice aux ordres.
 chaque fois que les Sénégalais pronostiquent le fait que le président Macky Sall ne franchira pas le Rubicon, il déroule son plan sans être nullement inquiété se réfugiant derrière une justice instrumentalisée, les Forces de défense et de sécurité et une administration territoriale politisée.
Le leader du Pastef Ousmane Sonko ne fait que riposter face aux injustices répétées pour assurer son avenir judiciaire et politique. Il reconnaît certaines erreurs, comme tout être humain. Même s’il utilise des termes de « Gatsa Gatsa (la version sénégalaise de la loi du Talion, terme qu’avait aussi utilisé le leader Khalifa Sall), « mortal combat », il faut reconnaître qu’à sa décharge, que le leader Ousmane Sonko n’attaque jamais en premier le président Macky Sall. Ses partisans n’ont jamais attaqué physiquement ou violemment les membres du pouvoir, Par contre lors des affrontements dénonçant les dérives autoritaires du régime de Macky Sall, les Pastéfiens et les Sénégalais épris de justice ne se gênent pas pour répondre coup pour coup à leurs adversaires. On feint d’oublier souvent que les appels au meurtre sur sa personne sont nombreux sans aucune poursuite judiciaire alors que le pouvoir ne lui fait pas de cadeaux à la moindre occasion. Ousmane Sonko est le leader politique le plus calomnié et est traité de tous les noms d’oiseaux (on l’accuse de « violeur », de « rebelle » (parce qu’il est de la Casamance, une stigmatisation qu’il faut dénoncer), de « terroriste -wahhabisme, salafisme », de « corrupteur de jeunesse » ou récemment de « voleur de portable; un chef d’inculpation qui fait du Sénégal la risée du monde »). Il adopte aussi une posture de résistance pour ne pas connaître le sort des deux adversaires écartés de la présidentielle (les deux k).
L’opposant Macky Sall devenu président qui veut « réduire l’opposition à sa simple expression » n’a jamais manqué une occasion d’humilier les principaux leaders de l’opposition. L’État policier de Macky Sall a gazé durant des manifestations des anciens premiers ministres, président de l’Assemblée nationale et de groupe parlementaire, députés et citoyens. Qui ne souvient pas de la « grande marche » de l’opposition (environ 3 000 personnes) du 14 octobre 2016 et qui a finalement tourné court à cause du lancement des gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre. Les images de la chaîne de télévision TVA sont explicites sur une foule dispersée par des policiers avec des manifestants qui « demandaient (à juste titre) une plus grande transparence dans la gestion du gaz découvert dans le pays ».
Les Occidentaux ont surtout découvert le vrai visage du président Macky Sall lorsque son régime policier a fait preuve d’une violence inouïe en brisant les vitres du chef de l’opposition Ousmane Sonko pour l’extraire de force de sa voiture alors qu’il se rendait au tribunal le 16 février 2023 (l’image a fait le tour du monde qui s’est également aperçu qui était en réalité le plus violent entre lui et son opposant tellement que le candidat Ousmane Sonko a gardé un calme olympien par rapport à un geste brutal qui défigurait la démocratie sénégalaise). D’autres événements regrettables se sont également ajoutés et ont fini par faire comprendre aux Occidentaux que la démocratie sénégalaise subissait une nette régression (liquidation constante de ses principaux adversaires politiques, emprisonnement arbitraire des journalistes, détenus politiques et d’opinion, les coupures d’internet, la séquestration d’un opposant et sa famille sans base légale pendant plus de 55 jours, l’utilisation des nervis aux côtés des forces de sécurité lors des manifestations et cette autre image qui rebute davantage les Occidentaux, celle des enfants utilisés comme boucliers humains lors des manifestations sans oublier une plainte déposée en France et une demande d’enquête soumise à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye contre le président Macky Sall pour « crimes contre l’humanité » et certains dignitaires du régime, une procédure menée de main de maître par l’un des avocats d’Ousmane Sonko en l’occurrence Juan Branco qui affirme « s’appuyer sur 710 éléments de preuve des exactions » commises au Sénégal lors des événements meurtriers concernent la période allant « de mars 2021 à juin 2023 ».
Un président n’ayant pas une ouverture d’esprit développée n’a pas forcément la même sagesse que ses prédécesseurs qui pouvaient tester les limites des Sénégalais et savaient reculer au bon moment. Le président Abdou Diouf sur la bonne tenue des élections de même que le recul de Me Abdoulaye Wade sur le quart bloquant à l’Assemblée nationale, le changement de ministre de l’Intérieur pour organiser les élections libres et transparentes, avaient fait preuve de dépassement politique, des gestes salués par l’écrasante majorité du peuple sénégalais. Macky Sall a exercé plus de 12 ans de terrorisme d’État sur les citoyens qui ne sont pas favorables à sa politique et sa vision népotique. Un président qui a toujours été en conflit ouvert permanent avec son peuple et l’opposition.
Même emprisonné arbitrairement (présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, pas de condamnation définitive, peine de la contumace éteinte dans l’affaire Sweet Beauty l’opposant à l’ex-masseuse Adji Sarr. si l’on respecte le droit, tranchent ses avocats), rien n’empêche à l’état actuel des choses au candidat Ousmane Sonko de se présenter aux élections et de les remporter comme le prédisent les sondages et la réalité du terrain au premier ou second tour. Ses partisans ainsi que les citoyens épris de justice doivent continuer à se mobiliser pour sa libération immédiate, car il entame depuis le dimanche 30 juillet une grève de la faim (7 jours déjà) pour dénoncer les dérives autoritaires récurrentes du dictateur Macky Sall ainsi que l’acharnement judiciaire constant et l’instrumentalisation de la justice qu’il subit de même que ses partisans du Pastef-Les Patriotes. La diaspora sénégalaise continuera à se mobiliser pour la sauvegarde de la démocratie, l’instauration d’un État de droit et la libération des 700 prisonniers politiques et détenus d’opinion.
Macky Sall fait pire ce qu’il reprochait à son prédécesseur, Abdoulaye Wade. Le problème du Sénégal, c’est en réalité Macky Sall. Il faut qu’il sache que le Sénégal ne lui appartient pas, ni à son clan. Force restera au peuple sénégalais, le seul souverain. La démocratie sénégalaise a été acquise aux prix d’énormes sacrifices et ce n’est pas maintenant à 6 mois des élections présidentielles de février 2024 que les Sénégalais baisseront les bras pour protéger leurs acquis démocratiques. Le peuple sénégalais aura toujours le dernier mot.
Doudou Sow