La quatorzième législature au Sénégal : les prémices d’une gouvernance monarchique, par Matar Sène


Mais enfin, devons-nous accepter d’affaiblir le peuple au profit d’un Président de la République à moins de 250 jours de la fin de son dernier mandat ?

L’Assemblée nationale est l’institution monocamérale exerçant le pouvoir législatif du Sénégal. Composée de cent soixante-cinq (165) députés élus selon un système mixte, elle siège à Dakar, place Soweto, dans le quartier plateau.

Durant les périodes de bicamérisme de 1999 à 2001 et de 2007 à 2012, elle est devenue la chambre basse du parlement tandis que le Sénat en est la chambre haute.

C’est le pouvoir législatif qui est chargé de la rédaction et de l’adoption des lois, mais également, dans ses missions, il assure le contrôle de l’action du Gouvernement.

Depuis le 12 septembre 2022, la quasi-totalité des sièges est partagée entre deux grands groupes politiques: Benno Bokk Yakkar( BBY) et l’opposition Yewwi Askan wi (YAW et WS). En effet , sur les 165 sièges âprement disputés, ces deux groupes ont obtenu respectivement quatre vingt deux (82), après le départ de Madame Mariétou DIENG, député de REWMI, et quatre-vingt (80) dont cinquante-trois (53) pour YAW et vingt-sept (27) pour WS.
Les trois (03) sièges restants sont occupés par des députés non-inscrits.

A l’issue de ce scrutin du 31 juillet 2022, les nouveaux pensionnaires de la Place Soweto y sont arrivés grâce à un scrutin uninominal majoritaire à un tour cent douze(112) et au scrutin proportionnel plurinominal cinquante trois (53)..

A la veille des élections législatives de juillet 2022, et, pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, l’invalidation de la liste des titulaires de la plus grande coalition de l’opposition a été un coup de frein à l’élan démocratique de notre pays et une preuve palpable pour ceux qui en doutaient encore, d’une manipulation de certains agents de l’Etat.

L’installation chaotique du président de l’Assemblée nationale avec la présence effective de gendarmes au sein de l’hémicycle a porté un coup à la stabilité du pouvoir législatif.

De plus, l’autonomie et la sécurité des représentants du peuple sont foulées aux pieds s’ils sont privés de véhicules de fonction alors qu’ils venaient d’être nouvellement installés.

La radiation d’Aminata TOURÉ, simplement parce qu’elle a pris la décision de se constituer député non-inscrit, pourrait être perçue, à juste titre, comme une manipulation et un acharnement du régime sur ses adversaires.

La condamnation à six mois de prison ferme de deux députés de l’opposition à la suite d’une altercation entre les deux camps, de l’opposition et de la mouvance présidentielle prouve à suffisance l’influence du gouvernement sur le pouvoir judiciaire.

Nous assisterons au comble de l’acharnement et de la persécution avec le mandat de dépôt contre le président du groupe parlementaire de l’opposition le plus représentatif alors poursuivi pour délit d’opinion.

Mais enfin, devons-nous accepter d’affaiblir le peuple au profit d’un Président de la République à moins de 250 jours de la fin de son dernier mandat ?

Non, parce que c’est un recul démocratique ; non, parce que ça renforce les pouvoirs déjà exorbitants du président de la République ; non, parce que c’est contre l’équilibre des pouvoirs ; non, parce que c’est la précarité de l’Assemblée nationale et non parce que c’est un suicide des représentants du peuple.

Cette dernière tentative de monarchisation passant par la modification de l’article 87 et par la loi électorale pour la radiation d’un contumace sur les listes électorales serait-elle une confirmation de la non-candidature du président Macky SALL ou une désillusion de ses souteneurs ?

Qu’on se le tienne pour dit: aucune tentative de tripatouillage ne passera fût-elle par procuration à la façon d’un autre monarque ou par mandat de protection future.

La constitution et les lois de ce pays ne sont pas l’apanage d’un président de la République sortant, futur citoyen ordinaire.

Les gens qui l’ont félicité après qu’il eut simplement déclaré respecter la constitution, tant assimilé à un acte d’homme d’honneur, ne seraient-ils pas dans une situation inconfortable, de doute et de regret?

Dans ce contexte, une question ne manquera de se poser : relèverait-il de l’ingratitude, de l’inconscience ou de la lâcheté que de proposer ou de voter des lois susceptibles d’installer l’instabilité dans le pays et d’anéantir le peuple qui t’a porté au pouvoir ?

Matar SENE, membre du bureau politique national et Coordonnateur communal de PASTEF Diourbel.

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