Le crépuscule de l’Académie des Pratiques Rusées (APR) Par Ousmane Ciss

Avec une fidélité affectée et une feinte patience, des complices de la grande répression attendent chacun d’être l’élu du Tsar. Bon courage ! Le prélude à l’implosion – une autre forme de dissolution – est à l’œuvre. La République des juristes arrangeants et des communicants défaillants pensent pouvoir défier le bon sens qui est l’abreuvoir du peuple, la chose, dit-on, la mieux partagée.


Dissoudre un parti, dont aucun élu n’a jamais été condamné, et pour lequel aucune milice ni cellule dormante (à part celle où se trouve son leader) n’a été débusquée, est un fait déplorable. La séquestration et l’emprisonnement d’un opposant majeur ont été possibles pour trois raisons : Le défaut du concept de violence dans le projet du parti, le caractère pacifiste du peuple et enfin, la peur irrationnelle inspirée par un leader brillant, charismatique et déterminé à sortir son pays de l’ornière.


Il n’est pas inutile de le rappeler, le pays serait aujourd’hui à feu et à sang si le parti dissout avait une organisation armée. Lequel parti n’a d’ailleurs jamais évoqué l’idée de s’armer autrement que du soutien populaire. Son succès exponentiel est assis d’une part, sur la bombe socio-économique qui n’a pas été désamorcée en près de 12 ans, et d’autre part, sur une volonté forte d’éradiquer la corruption et l’indiscipline généralisées qui gangrènent le pays. Paradoxalement, sur ces points, même les sympathisants du pouvoir sont largement d’accord. Dans ce contexte parler d’émergence est une tartufferie ! Tel un âne rétif, serait-on à ce point réfractaire au développement ? De nouvelles routes certes, mais que chacun fasse le bilan des anciennes routes empruntées chaque jour et qui sont dans un état de délabrement sans nom – même dans des quartiers résidentiels ! Chaque jour, des parents ou connaissances ne sauraient se soigner sans l’apport conséquent de citoyens ordinaires. L’importation massive de biens que l’on pourrait produire localement et la sous-utilisation de l’énergie solaire dans la construction de nouveaux édifices sont à regretter ; de même que la non-considération de véhicules hybrides ou électriques. Cette liste est loin d’être exhaustive et nous en sommes tous conscients.


Celui qui est à la fois instruit et méchant est une plaie pour notre société. La méchanceté est rationalisée et démultipliée par l’instruction. L’ascenseur politique, qui doit être régi par des institutions justes et équilibrées, doit veiller à ce que les moins bons ne se retrouvent pas au sommet et les meilleurs en prison. L’appel à refuser la médiocrité, à se soulever contre la misère et l’absence de perspective n’est pas un appel à l’insurrection, mais clairement un appel à la libération ! C’est l’expression démocratique de notre droit à une vie meilleure. Lorsque ce droit est refusé, les plus jeunes et les plus désespérés prennent le large dans des embarcations mortifères.


L’acharnement politico-judiciaire a encore une fois côtoyé le ridicule avec le délit suranné de corruption de la jeunesse tiré d’on sait où, et qui avait frappé Socrate près de 400 ans avant Jésus Christ. Le peuple inculte n’en sait rien n’est-ce pas ? Et comme l’inacceptable devient la norme, on empêche maintenant l’opposition de tenir des points de presse dans leurs locaux. L’histoire, heureusement, a toujours fini par corriger ceux qui se sont crus sans limite !


Depuis sa radiation du poste prestigieux d’inspecteur des impôts pour avoir dénoncé des pratiques obscures, tout a été fait pour liquider Ousmane Sonko, judiciairement et donc politiquement. Cette intenable pression a naturellement provoqué de légers écarts de langage dans la lutte d’un homme contre un système. Mais qui peut résister au rouleau compresseur de l’Etat sans faire le moindre faux pas ?


Aussi exceptionnel qu’il soit, Ousmane Sonko n’en est pas moins homme. La grandeur eut été d’accepter qu’il se trompe en se débattant contre l’ogre qui l’étouffait, mais au lieu de cela on l’accule davantage. Aussi, pèse-t-il maintenant sur lui des chefs d’accusation digne d’un régime stalinien.


À l’opposé, l’avocat Juan Branco – sur lequel reposent des accusations similaires (vol de portable mis à part) – est passé de Reubess à la France libre en 24 heures. C’est que le petit français – comme il se qualifie – est grand au regard de la garantie de ses droits à la libre expression. A peine arrêté, son pays, où il est un farouche contestataire, s’est activé pour sa libération acquise d’avance.


Le peuple n’acceptera jamais l’instrumentalisation judiciaire pour bâillonner l’espoir. Il refusera la continuité, et tant pis pour ceux qui tentent de fausser le jeu démocratique. La détermination de ce grand peuple et le verdict des urnes viendra à bout cette tragi-comédie !
Paix sur le Sénégal. Et vive son peuple !


Ousmane Ciss – auteur du roman : « Les derniers des lâches – Rwanda le tournant »

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