Lors de l’ouverture du récent pseudo dialogue voulant prolonger illégalement son mandat, le président Macky Sall a d’emblée déclaré le 25 février « saisir dans (les meilleurs délais) l’Assemblée nationale par un projet de loi. Elle va prendre en compte les faits perpétrés pendant les manifestations politiques entre 2021 et 2024. »
Les réactions n’ont alors pas tardé et proviennent de toutes les sphères de la société sénégalaise mais aussi de l’international. « Le Forum Civil dénonce avec vigueur le projet de loi d’Amnistie proposé par le président Macky Sall …consolidant le règne de l’impunité », a posté le 27 février sur X (ex-twitter) le coordonnateur Forum civil, section sénégalaise de Transparency International, Birahim Seck.
Le président Macky Sall s’auto-amnistie lui et son clan
Une politicienne qui s’est fait connaître par son sens de l’anticipation, en l’occurrence Aminata Touré et qui partage du reste cette qualité avec le chef de l’opposition Ousmane Sonko, avait aussi alerté, le 23 février, le peuple sénégalais sur les manœuvres et les réelles intentions du chef de l’État sénégalais pour reporter l’élection présidentielle. Selon l’ancienne ministre de la justice et garde des sceaux, ministre anti-corruption au Sénégal, Mme Aminata Touré, « l’amnistie n’est pas destinée à Sonko ni à Diomaye, mais plutôt au président Macky Sall » qui a peur du lendemain et de la reddition de comptes.
Comme nous l’écrivions dans notre texte en date du 7 août 2023 : « La procédure que l’avocat franco-espagnol [Juan Branco], a entreprise en France et sa demande d’enquête soumise à la Cour pénale internationale (CPI) dérange au plus haut point le gouvernement qui a fini par le mettre en prison lors de son deuxième séjour à Dakar ». (in Le Sénégal traverse une crise politique sans précédent. Avant que l’irréparable ne se produise, libérez immédiatement les prisonniers politiques et d’opinion en grève de la faim depuis plus de 8 jours, 7 août 2023). Cette information sur le déclenchement de la plainte la CPI qui indispose le président Macky Sall a été confirmée par le chef de l’opposition Ousmane Sonko. Le stratège visionnaire l’a réitéré dans une déclaration vidéo pré-enregistrée (rendue publique le 26 janvier) avant son arrestation, où il affirmait son approche tout en disant qu’« il a un seul adversaire, c’est Macky Sall et son gouvernement ». Ladite procédure trouble le sommeil du président Macky Sall même s’il affirmait à l’époque publiquement le contraire allant jusqu’à la traiter de « fanfaronnade », une ligne de communication reprise par son gouvernement, leurs alliés ainsi que les communicants qui lui sont favorables ou qui justifient leurs indemnités.
En séjour de travail aux États-Unis, l’avocat Juan Branco est revenu à la charge ce 27 février. Ce qui n’a pas échappé à la vigilance d’Ayache Bielsa qui indiquait ainsi dans un post Facebook du 27 février ceci : « Amnistie. L’analyse de Juan Branco depuis les Etats-Unis. Selon lui, Macky Sall, à travers sa loi d’amnistie, a un double objectif : d’une part, rassurer les fds (forces de défense et de sécurité) qui ont commis des crimes et éviter leur révolte; et d’autre part faire un plaidoyer auprès de la communauté internationale pour ne pas le traduire à la CPI. »
D’autres analystes internationaux vont dans le même sens, à l’instar de la directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (L’IRIS) Caroline Roussy : « On se demande si Macky Sall ne négocie pas pour lui, pour son propre camp, pour ne pas être poursuivis pour les crimes qui ont été commis à l’encontre de manifestants. Amnesty International parle d’une centaine de personnes qui seraient décédées au cours de deux épisodes de manifestation : mars 2021 et juin 2023, plus d’une quarantaine de personnes tuées à balles réelles. Macky Sall va devoir rendre des comptes. ».
Face aux vives tensions découlant du report anticonstitutionnel de la présidentielle, le directeur exécutif de la section d’Amnesty International (AI) Sénégal Seydi Gassama martelait récemment ses quatre vérités. « Le prochain président, quel qu’il soit, devra entreprendre des réformes profondes pour changer la culture, héritée de la colonisation, des forces de police et de gendarmerie. Les rapports aux citoyens, les lois et règlements en matière de maintien de l’ordre, les contenus des formations, doivent être réformés et mis en conformité avec les normes et standards internationaux. Et le niveau d’étude requis pour un policier ou un gendarme doit être le bac. »
Le président Macky Sall ainsi que les membres de son gouvernement osent affirmer qu’il n’y a pas de tortures au Sénégal ou de prisonniers politiques. « Les policiers et les gendarmes ne torturent pas les Sénégalais », disait récemment le chef de l’État sénégalais. « Brisez-lui les jambes ! » : Pape Abdoulaye Touré et la vidéo qui enfonce les gendarmes [2/∞], tel est le titre d’un travail professionnel du journaliste Moussa Ngom. « Une vidéo confidentielle consultée par La Maison Des Reporters confirme les actes de tortures commis par des gendarmes sur l’activiste Pape Abdoulaye Tour. ». Ces actes horribles ne devraient rester impunis dans un État de droit. Un autre article intitulé « À Ziguinchor, les suppliciés du 17 juin 2022 » de La Maison Des Reporters retrace le récit glaçant de Rodrigue Tendeng accusé de « sale rebelle » par des gendarmes. À la lumière des témoignages horribles, nous ne pensons pas que ces tortionnaires soient de vrais gendarmes mais plutôt des nervis entrés par effraction dans le métier.
Des vidéos sur les tortures à l’échelle du territoire ne cessent de circuler sur les réseaux sociaux démontrant ainsi l’impunité. Le journaliste Pape Alé Niang qui a également fait une compilation des actes de tortures ou bavures policières faisait un témoignage glaçant sur sa page Facebook. « Rien que le fait de penser à une loi d’amnistie atteste que trop de mal a été fait dans ce pays dans l’impunité totale. J’ai vécu personnellement l’horreur en garde à vue avec des jeunes qui gémissaient de douleur dans l’indifférence totale. Après 4 jours de grève de la faim à la cave attendant tout naturellement la machine à mandat de dépôt, le Procureur a refusé à mes avocats l’intervention d’un médecin. Le problème n’est pas la libération des détenus mais de soigner des blessures profondes qui refusent de se cicatriser. Car tu as le sentiment d’avoir eu en face de vous à un moment donné de l’histoire des monstres abominables. »
Seydi Gassama d’Amnesty International qui manifeste son opposition à l’amnistie a raison de marteler cette évidence : « La loi d’amnistie de Macky Sall n’a qu’un seul but : accorder l’impunité aux auteurs d’homicides, d’actes de torture et de mauvais traitements contre des manifestants ».
Les Sénégalais exigent la lumière sur plusieurs scandales : les différents rapports de l’OFNAC tablettés, rapport du fonds Covid-19 pour un montant de 1000 milliards francs CFA (valeur de 1,7 milliard de dollars), un contrat d’armement d’un montant de 45,3 milliards de Francs CFA (valeur de 77 millions de dollars) sur l’achat de matériel militaire par le ministère de l’environnement, du Programme des domaines agricoles communautaires du ministère du Tourisme (Prodac- lire à ce sujet, le livre de Birahim Seck intitulé Lettre au peuple : PRODAC, un festin de 36 milliards de francs (valeur de 59 millions de dollars), etc.
« Ousmane Sonko n’a pas l’intention de dialoguer avec le président Macky Sall ni avec quiconque » (Djiby Guèye Ndiaye, chef de protocole du chef de l’opposition Ousmane Sonko, en entrevue avec Buur News, le 24 février)
Il faut préciser d’emblée que la libération des détenus politiques, qui est une bonne chose, surtout qu’ils n’ont rien fait de mal, ainsi que la question de l’amnistie sont une initiative gouvernementale consignée dans un communiqué du Conseil des ministres et par le biais de voies autorisées (ministre de la Justice, entre autres).
Le parcours socioprofessionnel d’Ousmane Sonko, de Basirou Diomaye Faye ainsi que leurs faits et gestes ont souvent démontré l’image de personnes incassables. Le chef de l’opposition sénégalaise Ousmane SONKO emprisonné arbitrairement par le régime dictatorial du président Macky Sall n’a jamais été demandeur de quoi que ce soit comme le soutenait récemment son chef de protocole Djiby Guèye Ndiaye qui réfute toutes allégations sur les formes de dialogue : « Ousmane Sonko n’a pas l’intention de dialoguer avec le président Macky Sall ni avec quiconque ».
Le gouvernement de Macky Sall a toujours cherché à éliminer le candidat Ousmane Sonko puisqu’il est un leader antisystème, anti-corruption. Rappelons ceci : Le chef de l’opposition sénégalaise Ousmane SONKO emprisonné arbitrairement par le régime dictatorial du président Macky Sall n’a jamais été demandeur de quoi que ce soit. C’est le président Macky Sall lui-même, par sa justice instrumentalisée, qui a fait emprisonner Ousmane Sonko et c’est lui qui prendrait aujourd’hui la décision de faire une loi d’amnistie, un piège supplémentaire tendu au peuple et à l’opposition pour effacer tous les crimes perpétrés sous son règne.
C’est lui qui devra trouver des moyens de faire sortir tous les prisonniers politiques que sa justice a fait emprisonner arbitrairement. C’est seulement et uniquement au putschiste Macky Sall de donner des explications aux Sénégalais. Ousmane Sonko que le régime de Macky Sall a souvent traité « d’homme violent » a toujours démontré sa dignité malgré toutes les persécutions arbitraires contre sa personne. La ligne de conduite d’Ousmane SONKO en tout temps et en toutes circonstances ne souffre d’aucune ambiguïté.
Le président Macky Sall ne souhaite pas faire la passation de service avec un candidat du Pastef. À la limite, Il préférait quitter le pouvoir sans que cela arrive, quitte à créer un vide constitutionnel.
La pacification de l’espace politique à travers la libération des détenus politiques est certes une bonne chose mais il faut remettre les pendules à l’heure tout en envisageant un comité justice, vérité et réconciliation lors du prochain régime. La libération d’Ousmane Sonko est une exigence nationale tout comme celle des milliers de prisonniers politiques détenus arbitrairement.
En parlant d’amnistie, on ne respecte pas la mémoire des personnes assassinées , leurs familles et tous ceux qui se battent pour le respect de leurs droits constitutionnels : la manifestation dans un État dit de Droit.
Dans notre rôle personnel de sensibilisation, nous écrivions ceci et ce n’est pas de gaieté de cœur que nous le rappelons : « Le président Macky Sall est entré par la grande porte de l’histoire politique sénégalaise et risque, par ses gestes dictatoriaux et d’inélégance républicaine, de sortir dramatiquement par la petite porte. » (Lire à ce sujet, Un président candidat en conflit ouvert et permanent avec son peuple, 5 févr. 2019).
« Il faut sauver le soldat Macky par la procédure d’empêchement », propose récemment l’expert électoral Ndiaga Sylla qui dénonce « l’incohérence de ses actes (qui) inquiète sérieusement ! Par-delà la démission envisagée puis l’amnistie qui visent à légitimer une volonté de rebattre les cartes, il y a lieu de se demander s’il n’est pas venu le temps de faire constater l’empêchement… Cela serait peut-être dû à la psychose de la fin du pouvoir ou de fortes pressions. Il faut donc sauver notre grand-frère qui était pourtant attaché au respect du calendrier électoral ».
Le président Macky Sall ne sera jamais du bon côté de l’histoire
Tristes scènes relayées à l’international : l’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre, des enfants boucliers utilisés par les policiers lors des affrontements, des nervis (civils ou gros bras armés) opérant aux côtés des forces de l’ordre, les assassinats sans enquête, la personne à mobilité réduite malmenée par les forces de l’ordre et jetée hors de son fauteul roulant, la femme frappée à la tête par derrière ainsi que les journalistes brutalisés, les coupures de l’internet et de signaux de télévision, le report anticonstitutionnel de l’élection présidentielle. Le chef de l’état Macky Sall aura lamentablement échoué puisque sa responsabilité sociale est engagée dans tous ces reculs démocratiques énumérés. Il aura terni à jamais le modèle démocratique sénégalais et la refondation sera nécessaire pour que le Sénégal retrouve sa vraie place dans le concert des nations.
Le report de l’élection présidentielle est un précédent extrêmement dangereux pour la démocratie sénégalaise. Macky Sall s’accroche toujours au pouvoir par le biais d’une crise qu’il a créée et qui a fait 4 morts et plusieurs blessés. Il continue de confisquer le pouvoir. Le candidat de la majorité présidentielle Amadou Ba qu’on accusait de corrupteur de deux juges (ce qui est officiellement à l’origine du report du scrutin présidentiel) est pourtant resté toujours premier ministre de Macky Sall. Si on se fie au communiqué du gouvernement, le président lui a renouvelé sa confiance lors d’un conseil de ministre tenu le mercredi 7 février 2024. Allez savoir ou comprendre cette contradiction, une vraie farce qui fait honte aux Sénégalais mais surtout aux Sénégalais de la diaspora. Une crise montée de toutes pièces comme le disait l’ancienne journaliste vedette de la RTS Diatou Cissé, membre de la Charte des assises nationales, lors de l’édition spéciale de la Tfm : « C’est un deal entre l’Apr [L’Alliance pour la République, parti au pouvoir], et le Pds [Parti démocratique sénégalais] sur le dos des Sénégalais, mais Macky Sall ne peut plus rester à la tête du Sénégal à partir du 02 avril. Il n’a aucun moyen juridique pour prolonger son mandat. » Une analyse qu’elle a répété à juste titre sur le même plateau de la chaîne et dans une autre émission quelques jours plus tard.
Le président Macky Sall ne sera jamais du bon côté de l’histoire car il a souvent changé les règles du jeu en cours et en fin de route tout comme les termes du dialogue. Il crée les conditions d’une vacance pour rester au pouvoir alors que tous les cas de vacances, intérim et suppléance sont réglés par la Constitution comme l’a brillamment soutenu Amadou Ba, mandataire de la Coalition Diomaye Président, lors de l’édition spéciale de la TFM du 22 février 2024 consacrée à l’entretien du président, un moment qui était tant attendu pour délivrer, hélas, le peuple sénégalais sur la date de l’élection avant le 2 avril.
Les conclusions d’un dialogue politique qui n’ont aucun fondement juridique ne peuvent être au-dessus de la Constitution garantie par la haute juridiction. Une analyse de la directrice de L’IRIS Caroline Roussy résume parfaitement la situation chaotique sénégalaise sciemment orchestrée par le président Macky Sall. « Le roi se meurt, il sait qu’il va mourir et il précipite son pays dans sa chute avec lui » soutient la responsable du programme Afrique dans Le Débat de FRANCE 24. Il appartient donc au peuple sénégalais qui est le seul souverain, de prendre ses responsabilités devant les gestes dictatoriaux et antirépublicains répétés du putschiste Macky Sall.
Doudou Sow, sociologue, auteur et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs