Les conclusions d’un dialogue politique qui n’ont aucun fondement juridique ne peuvent être au-dessus de la Constitution garantie par la haute juridiction

Le leader charismatique Ousmane Sonko avait souvent répété que le président Macky Sall n’est pas un homme de dialogue et par conséquent il ne connaît que le rapport de forces. En effet, le président Macky Sall n’a toujours pas exécuté la décision du Conseil constitutionnel qui déclarait inconstitutionnel le décret 2024 -106 du 3 février 2024 relatif au report de l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février. Selon les 7 membres du Conseil constitutionnel (CC), « la date de l’élection présidentielle ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat [2 avril 2024] ». Plus de dix jours après cette décision ayant « un caractère impératif » selon l’enseignant-chercheur en droit public à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) et constitutionnaliste Mouhamadou Ngouda MBOUP, « le président sénégalais laisse planer le suspense sur la date de la présidentielle » comme le titrait la chaîne culturelle européenne Arte.

Le Conseil constitutionnel qui aurait pu donner une date exacte de la Présidentielle, dans sa décision du 15 février, a finalement invité respectueusement le président et « les autorités compétentes à tenir le prochain scrutin dans les meilleurs délais ». Les autorités compétentes n’incluent pas les politiciens mais plus la Direction de l’Automatisation des fichiers (DAF), la Direction Générale des Élections (DGE), la Commission électorale nationale autonome (CENA) et peut-être le ministère des Finances et du Budget, comme le soulignait à juste titre, en entrevue, lors de la manifestation du F24 organisée le samedi 24 février à HLM Grand Yoff pour exiger la tenue de l’élection présidentielle avant le 2 avril, l’ancienne députée Marème Soda Ndiaye qui soutient la coalition Diomaye Président.

De même que la France, pays duquel le Sénégal copie pratiquement toutes ses lois, « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Même si la haute juridiction sénégalaise nous a habitués à des décisions controversées ces dernières années (graves lacunes sur le contrôle du système de parrainage, élimination plus que discutable de certains candidats, etc.), il reste et demeure de se plier avec joie ou tristesse de « l’autorité de la chose jugée », autrement dit « de cette impossibilité de revenir judiciairement sur un fait précédemment jugé ». Résultat des courses, point de reculade et de manœuvres du président de la République Macky Sall qui doit être la première institution à appliquer scrupuleusement les décisions du Conseil constitutionnel qui sanctionne même son statut de président. En termes très clairs, le président Macky Sall a désavoué le Conseil constitutionnel qui a demandé clairement à ce dernier de reprendre le processus électoral et l’a même cosigné dans sa décision du 18 février – affaire Rose Wardini (article 34 de la Constitution qui exige retrait de la candidature (pour bi nationalité) -. Le président Macky Sall qui avait juré de respecter la Constitution est le premier à la fouler aux pieds.

Le président Macky Sall continue de désavouer le Conseil constitutionnel : « Ma volonté et mon vœu le plus cher, c’est de faire tenir l’élection présidentielle dans les meilleurs délais, et ceci avant l’hivernage prochain, dans les meilleurs délais », a-t-il déclaré aujourd’hui

Seize des dix-neuf candidats validés par le Conseil constitutionnel sénégalais ont déposé ce lundi 26 février un recours, face au refus du président de donner une date exacte de l’élection présidentielle. « La date [de l’élection] sera fixée par décret, quelles que soient les agitations des uns et des autres », a déclaré le président Macky Sall lors de son discours d’ouverture à la cérémonie du dialogue qui a plutôt réuni, le 26 février, principalement les alliés de son camp et certains candidats recalés.

Le président de la République Macky Sall conditionne la tenue du scrutin présidentiel à un pseudo dialogue rejeté par dix-sept des dix-neuf candidats à l’élection présidentielle, le Forum civil et d’autres plateformes de la société civile «Aar Sunu Election» (Protégeons notre élection) qui regroupe plus de 200 organisations citoyennes, professionnelles et religieuses ainsi que des personnalités indépendantes, le Front pour la défense de la démocratie (FDD) mené de main de maître par un de ses fondateurs le citoyen et journaliste Mame Birame Wathie, de célèbres artistes qui disent « ça suffit, on en veut plus ! », des syndicats mais aussi certains candidats recalés après l’étape de vérification du parrainage comme Mme Aminata Touré qui disent qu’il faut aller aux élections, continuer le processus électoral arrêté illégalement par le président Macky Sall, la Plateforme Forces vives F24 et le collectif des 25 candidats de l’opposition (le C25).

Le coordonnateur Forum civil, section sénégalaise de Transparency International, Birahim Seck et le directeur exécutif de la section d’Amnesty International (AI) Sénégal Seydi Gassama ont eu raison d’interpeller le chef de l’État. Dans un message posté sur X le 22 février, M. Seck écrit ceci : « M. le président Macky Sall, votre comportement porte atteinte aux droits des candidats retenus par le Conseil Constitutionnel qui vous a demandé ainsi qu’à d’autres autorités compétentes de poursuivre le processus et d’organiser l’élection en fixant la date ».

L’ancienne première ministre Aminata Touré martèle souvent dans toutes les tribunes que « le président Macky Sall n’a pas encore fait le deuil du troisième mandat », l’invite par la même occasion à « dialoguer seulement avec sa conscience » tout en rappelant que le président n’a pas suivi ou fait exécuter « les décisions de justice favorables au candidat Ousmane Sonko [le juge Ousmane Racine Thione a conforté son collègue Sabassy Faye sur l’annulation de la mesure de radiation de Sonko des listes électorales prise par le ministère de l’Intérieur] l’empêchant ainsi de participer aux élections ». En réalité, il n’y a qu’au Sénégal qu’une affaire de diffamation peut empêcher un candidat qui représente l’aspiration de millions de Sénégalais de participer à une élection présidentielle.

Le journaliste Pape Alé Niang a partagé, le 26 février, sur sa page Facebook la loi d’amnistie dont « mercredi prochain le chef de l’État va saisir l’Assemblée nationale par un projet de loi. Elle va prendre en compte les faits perpétrés pendant les manifestations politiques entre 2021 et 2024. »

Selon l’ancienne ministre de la justice et garde des sceaux Mme Aminata Touré, « l’amnistie n’est pas destinée à Sonko ni à Diomaye mais plutôt au président Macky Sall » qui a peur du lendemain et de la reddition de comptes. L’ancienne ministre anti-corruption au Sénégal qui soutient la Coalition Diomaye Président avait tenu ses propos dans le cadre de l’émission Banc public de Seneweb du 23 février.

La pacification de l’espace politique à travers la libération des détenus politiques est certes une bonne chose mais il faut remettre les pendules à l’heure tout en envisageant un comité justice, vérité et réconciliation lors du prochain régime. Le gouvernement de Macky Sall a toujours cherché à éliminer le candidat Ousmane Sonko puisqu’il est un leader antisystème, anti-corruption. La libération d’Ousmane Sonko est une exigence nationale tout comme les milliers de prisonniers politiques détenus arbitrairement.

Macky Sall ne s’en est pas seulement pris à Ousmane Sonko mais à tous les secteurs. A chacun son tour chez le coiffeur. Le leader panafricaniste Ousmane Sonko l’avait déjà dit : « Si Macky obtient ce qu’il veut de moi, personne ne sera épargné. Vous serez tous des esclaves dans votre propre pays. »

Le mea-culpa du journaliste et chroniqueur sénégalais Charles Faye qui « demande pardon à Ousmane Sonko » honore son auteur parce qu’on dit souvent faute avouée est à moitié pardonnée. Un (ndeup) ou thérapie pédagogique dans lequel plusieurs détracteurs de Sonko pourraient se retrouver.

Depuis son accession au pouvoir, le président Macky Sall ne cesse de piétiner les acquis démocratiques, de multiplier les interdictions de manifestation citoyenne et politique au Sénégal et de museler l’opposition et les mouvements citoyens. Son régime intimide tous ceux qui sont contre sa décision. Le président Macky Sall n’hésite pas à emprisonner les journalistes critiques de son régime, coupe des signaux de télévision, son ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique retire une licence de TV (Walfadjri avant de la lui remettre alors que ce groupe de presse emploie deux cents personnes), coupe Internet, Tik Tok et les réseaux sociaux. En 2022, le Sénégal occupe le 73e rang sur un total de 180 pays, soit un recul de 24 points.

La souveraineté a été volée au Sénégal par le putschiste Macky Sall, l’ami du chef d’État français Emmanuel Macron, qui « saluait ainsi son courage et l’exemplarité qu’il porte sur le continent africain » lorsqu’il le nommait au poste d’envoyé spécial et président du comité de suivi du Pacte de Paris pour la planète et les peuples (4P). Pas si sûr que le président français répète ces mêmes phrases dans ce contexte actuel où la communauté internationale a lâché le président Macky Sall.

Même s’il a annoncé le 3 juillet 2023 qu’il ne se présenterait pas pour un troisième mandat comme le prévoit clairement la Constitution et avoir aussi dit récemment que sa mission à la tête de l’État prendra fin le 2 avril comme l’exige aussi la Constitution, la vérité reste que le président sénégalais Macky Sall n’a, en réalité, jamais renoncé au pouvoir. Le putschiste Macky Sall devient un président illégitime et n’aura besoin d’aucune protection des leviers de l’État (justice, forces de défense et de sécurité. Administration) après la date du 2 avril 2024.

Les Sénégalais devraient alors lui appliquer sa propre médecine. « (…) s’agissant du président de la République, il ne peut pas prolonger son mandat [en parlant de l’ancien président Abdoulaye Wade]. Son mandat ne peut pas être prolongé même d’une journée sinon le pays serait dans le chaos parce que les gens ne le reconnaitront plus et il n’y aura plus d’autorité dans ce pays.
À partir du moment où le président n’est plus reconnu [poursuit-il], chacun fera ce qu’il veut et c’est dangereux pour le pays. Le report d’une élection présidentielle est une fiction, ceux qui pensent ainsi doivent cesser de rêver », martelait l’opposant. Devenu président, Macky Sall veut maintenant demander aux Sénégalais d’accepter un coup d’État électoral qu’il dénonçait avec vigueur en 2012, à la veille du scrutin présidentiel.

« Si Macky Sall ne tient pas l’élection présidentielle avant le 02 avril, il va installer le chaos. C’est ça le chaos qu’il veut faire », soutient le professeur Kader Boye ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop et président de la plateforme le Sursaut-Citoyen dans les colonnes de Sud Quotidien.

« On ne négocie pas la démocratie et le respect du droit fondamental de voter », soutient le FC25, 16 sur les 19 candidats de la présidentielle. « Macky Sall a plongé son pays dans une crise politique aussi grave qu’inattendue », souligne Le Monde.fr.

Doudou Sow, sociologue, auteur et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs

Ne manquez plus jamais une nouvelle importante. Abonnez-vous à notre newsletter.

Ne manquez plus jamais une nouvelle importante. Abonnez-vous à notre newsletter.

Dernières nouvelles

Le choix de la rédaction