Dans Sa sagesse infinie, après avoir énuméré certains des bienfaits qui seront la récompense – dans l’au-delà – de ceux qui lui étaient soumis sur terre, Le Tout-Miséricordieux, dans la sourate éponyme (AR-Rahmane), pose une question rhétorique: « Y a t-il d’autre récompense pour le bien que par le bien? » Cette question, nous nous la sommes posée aussi à la suite de la nomination du président Macky Sall en tant que l’envoyé spécial de 4P (Pacte de Paris pour les Peuples et la Paix) par son homologue français, le 10 novembre 2023, en marge du Forum de Paris. Cette interrogation est d’autant plus légitime que le président sénégalais a beaucoup fait de bien pour la France durant ses années au pouvoir, souvent au détriment de son peuple. Dès lors, sa nomination par Emmanuel Macron ne peut qu’être sujette à interprétation. Geste d’amitié anodin diront certains là où d’autres ne voient qu’un retour d’ascenseur, qu’une récompense d’un soumis, qui a bassement défendu les intérêts dans son pays. Je suis de ces derniers.
Après le passage de Senghor – qui n’était pas le plus doué des poètes de sa génération – à l’Académie française, celui d’Abdou Diouf à la tête de la Francophonie, nous venons d’assister à la nomination d’un troisième président sénégalais, parmi les 4 qui se succédé au pouvoir jusque-là, par la France. Ces nominations, qui sont devenues une sorte de tradition, ne peuvent que susciter des interrogations. Par conséquent, une des premières questions qui pourraient venir à l’esprit de qui s’y intéresse de près peut être la suivante : quelle est la particularité du seul président sénégalais – en l’occurrence Abdoulaye Wade -, n’ayant eu aucune nomination venant de l’ancienne puissance coloniale à la fin de son mandat? Quelques faits, même s’ils ne sont pas une explication complète, peuvent certainement constituer un début de réponse. Le pape du Soppi, quoi qu’on puisse lui reprocher, ne rentrait pas toujours dans les rangs. Sous sa présidence, il a eu le « toupet » de demander et d’obtenir le départ de l’encombrant ambassadeur français, François Ruffin ; d’obtenir le départ des troupes françaises du Sénégal – même si d’aucuns parlent d’un commun accord avec Sarkozy, il a osé le demander. Il est aussi parvenu à faire déboulonner Vincent Bolloré de son piédestal du port de Dakar au profit des Qataris. Ces trois actes parmi d’autres ne sont pas imaginables pendant le règne des trois autres président, qui, ayant poussé “l’amitié” jusqu’a aplatissement, n’ont jamais osé, sinon pensé ouvertement agir contre les intérêts de l’ancienne métropole.
L’actuel président sénégalais a affectivement fait beaucoup de bien pour la France. C’est sous son règne que l’accord de défense donnant aux militaires français l’autorisation de retourner au Sénégal a été signé avec Sarkozy, le même qui avait prétendu trouvé un accord commun avec le président Wade pour le départ de ces derniers du pays quelques annéesplus tôt. Macky Sall ne s’est pas arrêté en si bon chemin : il a autorisé l’implantation de l’Escale aéronautique des Éléments français au Sénégal, à l’aéroport international Blaise Diagne (400 militaires et civile. C’est sous sa présidence que l’exploitation du pétrole dans le pays a été scandaleusement accordée à Total, qui avait pourtant proposé l’une des offres le plus désavantageuses pour le peuple sénégalais. L’on se souvient aussi du contrat, pour le moins ruineux pour l’économie du pays, pour la construction du TER par une entreprise française et de son soutien au maintien du franc CFA, dont la nocivité sur les économies de ceux l’ont commemonnaie n’est plus à démontrer. La liste est longue des services que le président Macky Sall a rendus à la France.
Dès lors, placée dans le contexte mondial actuel, où les murs les plus solides de la Françafrique commencent à se fissurer un peu partout sur le continent, où d’autres puissances concurrentes lorgnent du côté des anciennes chasses gardées françaises, la nouvelle de sa nomination peut ne pas être surprenante. Car la France a besoin de se réaffirmer, de rassurer et surtout de montrer aux dirigeants africains qui lui sont favorables, voire soumis – contrairement aux souverainistes, qui sont combattus et traités de tous les noms – qu’ils peuvent compter sur elle pour être recasés à la fin de leur mandat, pour être secourus quand ils sont menacés, comme ce fut l’exfiltration de Compaoré ou pour trouver un avocat quand ils sont victimes de coup d’État ou arrivent au pouvoir par le même moyen, comme l’attestent ses vociférations à la suite du renversement de Bazoum au Nigeret de l’intronisation de Déby fils. Cette nomination peut aussi être la ou l’une des contreparties du renoncement à une 3ecandidature à laquelle le président Sall n’a évidemment pas droit selon la constitution sénégalaise. D’autant que, pendantces périodes troubles dans la sous-région, où il y a hospitalité de plus en plus grandissante envers la politique française, ilfaut, par tous les moyens, préserver la paix et la stabilité auSénégal et en Côte d’Ivoire qui ont été et demeurent encore les bastions les plus solides de la Françafrique. L’essentiel étant pour Paris de tout faire pour que le candidat qui sera élu lors des élections présidentielles de 2024 soit celui qui sera le plus disposé à continuer la politique de son prédécesseur après évidemment s’être assuré qu’Ousmane Sonko ne fera pas partie de la course
Cette nomination du président Sall, pour controversé qu’elle puisse être – car la décence, le respect et le bon sens eussent voulu qu’elle fût annoncée à la fin de son mandat, puisqu’il est encore le président d’un pays dit souverain -, a au moins le mérite de montrer que la France se fout éperdument des droits de l’homme qu’elle prétend défendre urbi et orbi ; qu’elle est juste mue par ses intérêts, que ce compte, ce sont des dirigeants qui défendent ses intérêts, peu lui chaut au sujet de ce qu’ils font à leurs populations et dans leurs pays. Autrement, Macky, n’aurait pas eu ce poste, lui qui a fait emprisonner iniquement beaucoup de ses opposants, restreint des libertés fondamentales, bafouer presque toutes règles sans honte ni gêne dans son pays.
Au final, le président Macky Sall peut se réjouir, comme il l’a fait avec l’annonce de la nouvelle de sa nomination sur son compte Twitter, car il a trouvé un nouveau travail pendant que des milliers des jeunes de son pays, dont il n’a pas l’air de soucier beaucoup, pris de désespoir meurent par centaines en mer. Le grand perdant reste encore et toujours le peuple. Pour certains dirigeants, juste mus par leurs ambitions personnelles, la présidence n’est qu’un tremplin, une porte menant vers d’autres horizons sur le chemin leur carrière de leur carrière professionnelle.