En marge de sa déclaration de politique générale en date du 12 décembre 2022, le premier Ministre Amadou Ba déclarait devant les parlementaires, je cite « Le projet Sangomar est à 67% de taux de réalisation ; la date du first oil est prévue à la fin de l’année 2023. »
A date échue, l’opinion découvre le report de la production des premiers barils de pétrole, pour le courant de l’année 2024. Visiblement le projet connaît des difficultés de gouvernance. Et pourtant, dès le mois de mars 2023, nous interrogions l’opinion dans une de nos contributions, sur la nécessaire surveillance de l’atterrissage des projets Sangomar et GTA alors que nous n’étions plus qu’à six mois des supposés premiers barils? »
D’emblée, l’information rendue publique par l’opérateur Woodside (détenteur de 82% du gisement pétrolier de Sangomar) pause problème a plus d’un titre. Il faut d’abord souligner que la participation de la compagnie pétrolière nationale CNP, au delà de valoir à l’état sénégalais une « boîte à outils fiscale », consacre sa présence effective dans la gouvernance du projet pétrolier. Dès lors que la participation de l’état est sensée modifier la nature de ses relations avec les opérateurs étrangers regroupés en consortium, il aurait été plus « Petro-responsable» qu’une telle communication soit portée à l’attention des Sénégalais par le Ministre de tutelle ou à minima Pétrosen (Compagnie Pétrolière Nationale). Ceci montre a quel point notre pays doit encore travailler dans le sens de renforcer son autonomie stratégique mais aussi ses instruments ou procédés de contrôle et d’évaluation des données de production, par la mise en avant de compétences nationales pour challenger les multinationales du consortium exploitant.
Quid de l’évaluation de l’impact budgétaire suite au report de la date du first oil, au vu de la démission à la fois silencieuse et coupable du contre pouvoir Sénégalais sur ce dossier haut combien important. Plus personne n’était préoccupé a interpeller l’état sur les garanties du projet, sans doute trop distrait par des sujets rétrogrades.. Ceci paraît d’autant plus regrettable qu’au terme de la décision finale d’investissement de janvier 2020, notre pays se projetait sur une rente pétrolière évaluée à 800 milliards sur la période 2023 – 2025. Rien que sur le dernier trimestre 2023 l’état sénégalais prévoyait une assiette fiscale d’environ 51,6 milliards de nos francs, un manque à gagner énorme sur le budget de l’état.
Pour évaluer au plan technique le manque à gagner de cette non activité du navire Floating Production Storage and Offloading (FPSO), il nous faudra interroger plusieurs facteurs spécifiques du projet pétrolier. En voici quelques éléments qui peuvent influencer cette évaluation :
D’abord la production quotidienne moyenne : Sur Sangomar le sénégal attendait pour le quatrième trimestre 2023 entre 75 milles et 100 milles barils de pétrole par jour. La production quotidienne moyenne de la FPSO est un élément essentiel pour estimer le manque à gagner. Cela dépend des capacités de production de la FPSO, des conditions du gisement pétrolier, des opérations de maintenance prévues.
Ensuite le prix du pétrole sur le marché international est un facteur déterminant pour évaluer le manque à gagner. Avec un cours actuel du Brent évalué à 79.56$ (référence actuelle), on pourrait valablement dire que le manque à gagner est important.
La durée de la non-activité : La durée pendant laquelle la FPSO ne sera pas en activité est un facteur crucial pour calculer le manque à gagner. Une journée, une semaine ou un mois de non-activité aura des impacts financiers différents. Vraisemblablement on est bien parti pour raisonner en terme de mois d’inactivité.
Autre chose d’important c’est les contrats et accords conclus avec l’état sénégalais, les partenaires ou les investisseurs peuvent spécifier des modalités de compensation en cas de non-activité. A ce niveau il faudrait préciser que le code de janvier 1998 est semble-t-il resté muet sur ce type d’éventualité.
En dernier ressort le coûts opérationnels fixes : Certains coûts d’exploitation de la FPSO sont fixes, indépendamment de sa production. Ces coûts peuvent inclure les frais de personnel, les coûts de maintenance, les coûts d’assurance, etc. Il est important de déduire ces coûts des revenus pour obtenir une évaluation plus précise du manque à gagner.
Espérons que l’idée vienne, en pleine Session parlementaire de ce jour, aux représentants du peuple d’interpeler l’état sur les conséquences certaines de cet impact budgétaire et de la mise en œuvre des modalités de compensation en cas de non-activité. L’état doit également capitaliser de cet expérience pour sécuriser la date du first gaz sur GTA pour lequel un taux de progression de 83% avait déjà été annoncé en fin aout 2022; le first gas étant prévu au début de l’année 2024. »
Abdou Lahad Diakhate
Consultant en Management des énergies et des ressources pétrolières et gazières